Le Secret Écrasant de Michel Serrault : Les Cinq Muses Légendaires avec Qui il Rêvait de Dormir pour Fuir le “Vertige du Rire”

Article: Le Comique et le Vertige : Michel Serrault Révèle ses Cinq Rêves de Tendresse Inachevés

Dans la pénombre d’une loge de théâtre parisien, après que les applaudissements se sont tus, un vieux monsieur s’assoit devant un miroir terni. Michel Serrault, 79 ans, retire lentement son maquillage, laissant derrière lui l’odeur de la poudre et la fatigue d’une vie passée à divertir. « J’ai passé ma vie à faire rire, mais je n’ai jamais su pourquoi je n’ai pas dormi avec celles qui m’ont fait trembler », murmure-t-il, un aveu qui sonne comme un testament intime. L’homme qui a incarné les plus grands rôles comiques et dramatiques de l’Hexagone décide de briser la discrétion, non pour évoquer des conquêtes, mais pour confesser un désir bien plus rare et pur : celui d’approcher, sans jamais posséder, cinq femmes qui ont été pour lui des rôles manqués.

Ce soir-là, Serrault ouvre le rideau sur la part la plus secrète de son âme, celle d’un homme qui a toujours caché derrière chaque éclat de rire une profonde « envie de tendresse. » Le désir qu’il exprime est au-delà de la chair ; il est une quête pour « calmer ce vertige qui suit le rire, quand tout redevient vrai. » L’acteur nomme avec une pudeur admirative cinq figures féminines emblématiques qui ont traversé sa vie comme des étoiles lointaines : Simone Signoret, Annie Girardot, Miou-Miou, Isabelle Huppert et Catherine Deneuve. Cinq présences, cinq énergies qui, chacune à sa manière, ont symbolisé une vérité qu’il n’a jamais su atteindre.

Isabelle Huppert : L’Obsession Silencieuse du Comédien

Parmi les cinq, une seule était celle qu’il aurait « vraiment voulu rejoindre. » En baissant la voix, Michel Serrault désigne Isabelle Huppert. Cette femme, qui ne riait pas facilement, incarnait pour lui l’énigme absolue. « Ce n’était pas une femme qu’on désire, mais une énigme qu’on veut déchiffrer », se souvient-il. Son silence, son « immobilité presque cruelle », désarmait l’acteur habitué à se cacher derrière les mots.

Huppert représentait la tentation absolue, le point où le jeu devenait « sérieux, presque dangereux. » L’actrice, avec son regard clair et son maintien, imposait un respect qui le paralysait. Lorsqu’il lui confia un jour que « les comiques ont peur des tragédiennes », elle lui répondit sans lever les yeux : « C’est parce qu’elles ne rient pas de vous, mais de vous-même. » Cette phrase fut une révélation. Serrault savait qu’avec elle, le silence aurait tenu lieu de confession, chaque souffle étant une réplique suspendue. Il n’a jamais franchi la ligne, craignant de ne jamais retrouver son personnage s’il avait osé briser l’équilibre fragile. Le désir qu’il éprouvait pour elle était le désir d’un mutisme partagé, car « en elle, le silence était plus fort que les mots. »

Simone Signoret : La Dignité de la Mélancolie Solide

La première muse évoquée par Serrault est Simone Signoret, une femme qui « fumait comme on respire » et dont le regard semblait connaître déjà toutes ses failles. Michel Serrault la croise un jour sur un plateau, et elle apparaît dans sa mémoire avec « cette fatigue noble qu’ont les femmes qui ont trop vécu pour mentir encore. » Signoret représentait la « certitude », une femme debout, entière, qui n’attendait rien du regard des autres, portant en elle « quelque chose de la France d’après-guerre. »

Face à elle, le comédien, qui masquait ses blessures sous les pirouettes, fut déstabilisé. Il se souvient d’une phrase que l’actrice lui a gravée : « On ne dort bien qu’à deux, mais chacun rêve seul. » Un soir, sous la pluie, un simple frôlement de doigts alors qu’elle lui tendait une cigarette fut tout. Cet acte infime fit « trembler en lui quelque chose de vieux et de vrai. » Pour Serrault, dormir près d’elle aurait été « rêver de la révolution, » le rêve d’être simplement « un homme », sans avoir besoin de jouer ni d’être drôle.

Annie Girardot : L’Énergie d’Orage et la Vérité Nue

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Annie Girardot entrait dans la vie comme on entre dans une pièce, « sans prévenir, sans s’excuser. » Avec son rire de femme qui s’est brûlée mille fois et qui choisit toujours la lumière, elle incarnait une « énergie d’orage » fascinante. Serrault la regardait avec une admiration tendre pour ce mélange de force et de fragilité qu’il n’a jamais pu simuler.

Ils ne se sont jamais donné la réplique, mais la croisaient souvent sur les plateaux. Un soir, elle s’approche et pose sa main sur son épaule pour lui souffler une phrase terrible : « Tu sais Michel, il n’y a rien de plus épuisant que de vivre comme si tout allait bien. » Elle disait tout haut ce que lui cachait sous ses facéties. Le trouble était là : elle dévoilait la peur du vide qu’il ressentait aussi. Il aurait voulu lui avouer qu’il comprenait, mais il préféra plaisanter, comme toujours. Elle éclata alors d’un « rire brisé » qui lui fit mal. Avec Annie, il n’y aurait eu « ni jeu ni faux-semblant, seulement la vérité nue, celle qui brûle et console dans le même souffle. »

Miou-Miou : La Promesse de la Légèreté et du Désordre

Miou-Miou, c’était la légèreté faite femme. Elle arrivait en retard, les cheveux défaits, avec une « insolence tranquille » et un sourire d’enfant. Elle ne jouait pas à séduire, elle « vivait simplement, et c’était ça le danger. » Serrault, qui passait sa vie à tout calculer et à masquer l’émotion, fut frappé par sa spontanéité.

Elle lui confia un jour : « Le désir, c’est quand on ne sait plus qui regarde qui. » À cet instant, il sut qu’il la désirerait toujours pour sa lumière, son désordre, cette façon de « ne jamais appartenir à personne. » Il n’osa pas rompre le charme fragile de leur instant partagé autour d’un café. Il s’imaginait qu’avec Miou-Miou, il aurait peut-être appris à être léger, à vivre « sans peur, sans rôle, sans décor. » Elle était la promesse d’un monde qui n’existait pas pour lui.

Catherine Deneuve : L’Éternité Froide du Rêve Immobile

Catherine Deneuve, quant à elle, était l’inaccessible, la « perfection silencieuse. » Elle n’entrait pas dans une salle, elle la « faisait apparaître. » Chaque rencontre était un séisme contenu, une fascination calme et douloureuse. Un soir aux Césars, Serrault se retrouva près d’elle, drapée de lumière, « flottant au-dessus du monde. »

L’échange fut banal, professionnel, mais « cette minute pesa des années dans sa mémoire. » Deneuve n’offrait rien, mais tout semblait possible. Elle symbolisait le « rêve immobile, » celui qu’on contemple sans jamais oser y croire. Elle était « une présence qui suffit à tout dire. » Serrault savait qu’oser rompre le silence aurait détruit le mystère. Pour lui, elle était l’éternité froide du désir impossible, la conviction que certaines femmes ne se rejoignent qu’en rêve.

L’Essentiel est de Rêver : Le Testament d’un Homme Pudique

Assis seul dans sa loge désertée, Michel Serrault dresse le bilan de ces désirs inachevés. Simone Signoret lui a appris la dignité du silence, Annie Girardot fut l’incendie d’émotion qu’il n’a pu toucher, Miou-Miou la légèreté convoitée, Isabelle Huppert le vertige de la maîtrise, et Catherine Deneuve l’éternité du désir.

Elles n’ont jamais été siennes, mais elles ont toutes laissé une empreinte de lumière sur son âme. Le comédien sourit doucement, offrant une morale intime à sa confession : « Les désirs que l’on garde pour soi deviennent parfois nos plus beaux souvenirs. » Au fond, l’essentiel n’était pas de les posséder, mais de les rêver sans honte, sans peur, sans limite. Le rideau est tombé, mais Michel Serrault murmure une dernière fois, presque pour lui-même : « Dormir avec elles ? Non, rêver d’elles m’a suffi. » Il quitte la loge, laissant derrière lui le testament discret d’un homme que la pudeur a travesti en comique, mais que le désir a toujours illuminé.