Regardez cette photo. Deux sœurs. Parfaitement normales, n’est-ce pas ? Elles ont l’air innocentes, presque angéliques. Pourtant, cette simple image dissimule l’une des affaires les plus tristement célèbres de l’histoire de France. Ce que ces sœurs ont fait était si troublant, si inattendu, qu’il a contraint le pays à revoir sa législation. Elles s’appelaient Christine et Leia Papan.


À la fin de cette vidéo, vous comprendrez pourquoi cette photo reste si hantée. Mais pour comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là, il faut se pencher sur les ténèbres dont elles sont issues. L’enfance qui les a brisées. Christine est née en 1905, Leia en 1911. Leur enfance n’a pas seulement été difficile. Ce fut une succession de souffrances et de négligences qui ont façonné leur personnalité.
Leur père, Gustav Papan, était souvent absent pendant des semaines, et lorsqu’il était à la maison, il était dur. Les voisins se souviennent de disputes incessantes et de cris provenant de la maison. Mais leur mère, Clemens, était peut-être encore pire. Elle n’était pas simplement distante. Elle était cruelle. Elle enfermait ses filles dans des pièces sombres pendant des heures, les punissait sévèrement et leur répétait qu’elles ne valaient rien, que personne ne les aimerait jamais.
À huit ans, Christine était devenue pour Leia plus une mère qu’une sœur. Elle lui apportait de la nourriture en cachette et la serrait contre elle pendant les longues et terrifiantes nuits de disputes de leurs parents. C’est là que naquit leur lien intense, non seulement entre sœurs, mais aussi entre protectrice et protégée. Christine devint tout l’univers de Leia, et Leia devint la seule raison de vivre de Christine.
À quinze ans, alors que Leia en avait neuf, leurs parents les abandonnèrent. Elles furent envoyées dans un pensionnat catholique strict où la discipline était impitoyable. Les religieuses étaient déterminées à briser leur fierté. Elles les obligeaient à frotter les sols jusqu’à ce que leurs mains leur fassent mal, à dormir sur des planches dures et les punissaient pour la moindre erreur.
Mais le plus douloureux fut lorsqu’elles tentèrent de séparer les sœurs. Christine pleurait et se battait contre quiconque essayait d’emmener Leia. Finalement, les religieuses renoncèrent, jugeant leur attachement contre nature et les laissant ensemble. Ce fut leur première leçon. Le monde était dur et elles n’avaient que l’une l’autre. Les domestiques se fondaient dans l’ombre.
À 18 ans, Christine quitta l’école et devint domestique. Son premier objectif : sortir Leia de cet établissement au plus vite. Pendant trois ans, Christine travailla dans de riches familles, consacrant presque tout son argent à l’éducation de Leia. Elle vivait dans de petites chambres de domestiques, mangeait les restes et subissait les ordres incessants inhérents à sa condition.
Les familles aisées traitaient leurs domestiques comme s’ils étaient invisibles. Christine apprit à sourire malgré les réprimandes, à s’excuser pour des choses dont elle n’était pas responsable, à mettre sa dignité de côté pour survivre. En 1926, lorsque Leia eut 15 ans, Christine avait enfin assez d’économies pour la ramener à la maison. Elles se retrouvèrent après trois longues années, mais toutes deux avaient changé.


Christine était devenue plus froide, méfiante envers tout le monde sauf Leia, et Leia était entièrement dépendante de sa sœur aînée, incapable de se débrouiller sans ses conseils. Bientôt, elles trouvèrent du travail ensemble chez les Lancel à Lama. Pour la première fois, elles pensèrent que leur vie pourrait enfin être stable. Elles se trompaient. Des domestiques parfaites, à Lama, en France.
Pendant six ans, Christine et Leia vécurent dans le manoir Lancel comme des ombres. Leur chambre était un minuscule grenier, à peine assez grand pour leur lit simple. Elles travaillaient tous les jours, de l’aube jusqu’à tard dans la nuit. Mlle Los était un avocat à la retraite qui passait le plus clair de son temps dans son club. Mme Lasslam était une femme soucieuse des apparences et de sa réputation.
Leur fille, Geneviève, 26 ans, était célibataire et profondément malheureuse. La famille traitait rarement les sœurs comme des personnes. On ne les appelait jamais par leur nom, seulement « la fille » ou « toi ». La gratitude n’était jamais manifestée et les erreurs étaient impardonnables. Le pire était la pression constante. La famille inspectait la maison à la recherche du moindre défaut, prête à les réprimander.
Madame Lelan semblait prendre plaisir à comparer les deux sœurs, louant l’une et critiquant l’autre, ce qui semait la discorde. Les sœurs se replièrent sur elles-mêmes. Elles se parlaient à voix basse, avaient inventé leurs propres signaux et se déplaçaient dans la maison en parfaite harmonie. Plus tard, les voisins dirent qu’elles paraissaient trop proches pour des sœurs.
Elles partageaient tout : vêtements, pensées, même rêves, et commencèrent à nourrir un ressentiment latent envers leurs employeurs. À 27 ans, Christine avait passé près de dix ans au service des domestiques, sans amis ni vie sociale. Leia, 21 ans, n’avait connu que cela. Elles se sentaient piégées et, comme tous ceux qui sont pris au piège, leurs émotions commençaient à les submerger.
Des signes avant-coureurs que tous ignorèrent. Début 1933, le constat était clair. Les sœurs s’étaient coupées du monde. Elles ne prenaient jamais de jours de congé, n’allaient jamais à l’église ni à aucune réception. Les commerçants remarquèrent leur proximité lorsqu’elles faisaient leurs courses, toujours à chuchoter, toujours dans leur bulle. Le docteur
Verna, qui soignait parfois les domestiques, se souvenait que Christine venait le consulter pour des maux de tête, des insomnies et des pensées obsédantes. Mais en 1933, la santé mentale était encore mal comprise. On considérait la tristesse ou la nervosité comme des signes de faiblesse, et non comme des problèmes nécessitant une attention particulière. Le signe avant-coureur le plus clair est apparu deux semaines avant le drame. Marie, une domestique d’une maison voisine, raconta que Christine lui avait demandé : « Que ferais-tu si tes employeurs te traitaient comme si tu n’étais rien ? » Marie avait ri et répondu : « C’est la vie, tout simplement. » La réponse posée de Christine la bouleversa.
Un malaise s’installa. Plus pour longtemps. Le jour où tout bascula. Le 2 février 1933. Un jeudi qui avait commencé comme tous les autres depuis six ans. À la tombée de la nuit, il serait gravé dans les mémoires comme l’un des jours les plus choquants de l’histoire criminelle française. La routine matinale était familière. Christine se leva la première, à 5 heures, réveillant doucement Leia en la secouant.
Elles s’habillèrent en silence, se regardant dans le petit miroir de leur chambre mansardée. En bas, elles commencèrent leurs tâches quotidiennes. Christine s’occupait du linge et du repassage. Leia faisait le ménage et aidait à préparer les repas. La maison était inhabituellement calme. Missurlo était sorti tôt. Madame Lancela et Geneviève prévoyaient une sortie en ville cet après-midi-là.
Tout semblait normal, mais quelque chose avait changé chez Christine. Leia le sentit immédiatement. Sa sœur paraissait tendue, distante, l’esprit ailleurs. Vers 14 heures, Christine était dans la buanderie, repassant soigneusement une robe somptueuse appartenant à Geneviève. Le fer était vieux et peu fiable, et faisait des étincelles depuis des semaines, mais personne ne l’avait jamais remplacé. C’est alors que cela se produisit.
Une étincelle, un éclair, une odeur de fil brûlé. Le fer à repasser rendit l’âme, privant la moitié de la maison d’électricité. Une large marque de brûlure noircie maculait désormais le tissu délicat. Pour la plupart, il ne s’agirait que d’un malheureux accident. On pourrait remplacer la robe, rétablir le courant. Mais Christine savait ce qui allait suivre.
Six années d’expérience lui avaient appris comment cette erreur serait perçue. Debout dans la pénombre, serrant la robe brûlée contre elle, elle sentait une pression insoutenable monter en elle. Le point de rupture fut atteint lorsque Madame Lassla et Geneviève constatèrent les dégâts vers 16 heures. Leur réaction fut exactement celle que Christine redoutait. Elles la réprimandèrent sévèrement devant Leia, la traitèrent d’insouciante et menacèrent de déduire le coût de la réparation de leurs maigres salaires.
Puis Geneviève prononça la remarque qui mit le feu aux poudres : « Regardez-les ! Deux femmes adultes incapables de se servir d’un simple fer à repasser ! Peut-être devrions-nous embaucher des domestiques qui savent faire leur travail. » La pensée de perdre leur emploi, d’être séparées, renvoyées à la vie civile sans rien, frappa les deux sœurs comme une onde de choc.


Christine sentit des années de frustration monter en elle comme une tempête. Six ans à répéter : « Oui, Madame. Excusez-moi, Madame. Cela ne se reproduira plus, Madame. » Six ans à se sentir inhumaine. Leia perçut le changement dans l’expression de sa sœur et, grâce à leur lien quasi télépathique, comprit qu’un événement irréversible allait se produire.
Ce qui suivit fut soudain, intense, et aujourd’hui encore, les experts peinent à expliquer comment la situation a pu dégénérer aussi rapidement. L’explosion, le déchaînement, survint sans prévenir. Un instant, Christine restait silencieuse, la tête baissée sous les réprimandes. L’instant d’après, elle explosa, se jetant sur Geneviève avec une fureur soudaine et inattendue.
Ce n’était pas un simple accès de colère. C’était six années de frustration, d’humiliation et de souffrance qui avaient enfin explosé. Le premier coup de Christine fit chanceler Geneviève dans le couloir. Madame Lassel hurla et se précipita vers sa fille, mais Leia s’était déjà interposée. Les sœurs agissaient comme si elles étaient parfaitement synchronisées, avec une précision étrange et maîtrisée.
Christine s’en prit à Geneviève tandis que Leia luttait avec Madame Llan. Ce qui rendait l’attaque si choquante, ce n’était pas seulement sa violence, mais aussi son intensité. Il ne s’agissait pas d’un vol ou d’une fuite précipitée. C’était le déchaînement de rage contenue depuis des années. Elles s’emparèrent de tout ce qui leur tombait sous la main : un objet lourd, des ustensiles de cuisine, même leurs propres mains.
Ce qui suivit fut si violent que les enquêteurs dirent plus tard que cela ressemblait moins à un crime qu’à une tempête qui avait ravagé la maison. Des experts suggérèrent par la suite que l’attaque était un acte symbolique, une façon pour les sœurs de reprendre le pouvoir à ceux qui les avaient si longtemps réduites à l’impuissance. La lutte dura moins d’une demi-heure.
À la fin, le silence régnait dans la maison. Le couloir portait les stigmates d’une violente confrontation, une scène qui choqua même les policiers les plus aguerris. Le calme après la tempête. Le plus troublant fut peut-être ce que firent les sœurs ensuite. Elles se lavèrent, enfilèrent des vêtements propres et rangèrent leur petite chambre mansardée.
Puis elles s’allongèrent côte à côte dans leur lit. Comme si la journée n’avait rien eu de différent des autres, elles ne tentèrent pas de fuir. Aucune panique, seulement un calme étrange. Plus tard, lorsqu’on leur demanda pourquoi elles n’avaient pas fui, la réponse de Christine fut d’une simplicité glaçante : « Où serions-nous allées ? Nous n’avions nulle part où aller. » On leur avait répété pendant des années qu’elles n’étaient rien, qu’elles n’avaient leur place nulle part.
Et même à cet instant, elles y croyaient encore, à cette révélation. Vers 18 h, M. Loelan rentra chez lui et trouva la maison plongée dans l’obscurité et inhabituellement silencieuse. Il appela sa femme et sa fille. Aucune réponse. Il essaya d’ouvrir la porte, mais elle était verrouillée de l’intérieur, chose qu’elles ne faisaient jamais chez elles.
Inquiet, il alla chercher sa voisine, Mme Russo. Ensemble, ils montèrent à une échelle jusqu’à une fenêtre du premier étage. Ce qu’ils virent à l’intérieur les horrifia. La police fut immédiatement appelée, mais même les agents les plus expérimentés furent bouleversés par ce qu’ils découvrirent. L’inspecteur Henry Buset écrira plus tard que la scène était unique en son genre.
Au premier abord, les sœurs furent trouvées paisiblement allongées dans leur lit, et beaucoup crurent qu’il s’agissait de victimes ayant miraculeusement survécu. Ce n’est que lorsque de petites traces de sang furent remarquées sur les mains de Christine que l’horrible vérité apparut au grand jour. « Avez-vous tué Madame Lansel et sa fille ? » demanda l’inspecteur Buset.
« Oui », répondit Christine sans hésiter. « Ils ont été cruels envers nous, et c’est tout. » Pas de longue explication, pas de plaidoyer dramatique, pas de remords apparents. Sollicitée pour plus de détails, Christine répéta simplement : « Ils nous ont mal traitées, alors on s’est défendues. » Leia parla encore moins. Lorsqu’on lui demanda si elle regrettait ce qui s’était passé, elle parut déconcertée. « Des regrets ? » demanda-t-elle doucement. «
Pourquoi le regretterions-nous ? » Le psychiatre de la police qui les examina remarqua que les deux sœurs semblaient étrangement détachées de la réalité des faits. Elles parlaient des événements calmement, presque comme si elles décrivaient des tâches ménagères. Elles ne semblaient pas avoir conscience d’avoir mal agi. Le docteur
Rouge écrivit qu’elles semblaient incapables de comprendre pourquoi tout le monde était si choqué. Le procès qui choqua la France. Six mois plus tard, le procès commença et devint immédiatement une obsession nationale. Les journaux le qualifièrent de crime du siècle. Les journalistes envahissaient la salle d’audience, impatients de voir les femmes qui avaient commis un acte aussi incompréhensible.
Ce qui choqua beaucoup, c’était l’apparence ordinaire des sœurs, vêtues de simples robes noires, les cheveux soigneusement coiffés, assises côte à côte ; elles auraient pu être les filles de n’importe qui. Le procureur Metra Shinetier peinait à convaincre le jury de la gravité du crime, face à deux femmes qui semblaient presque soumises.
« Ces femmes », déclara-t-il, « ont commis un acte qui nous oblige à nous interroger sur ce dont les êtres humains sont capables. » Mais la défense racontait une autre histoire. Matriome parla de deux jeunes femmes marquées par une vie de mauvais traitements, d’abandon et d’humiliation. « Elles ne sont pas mauvaises », plaida-t-il. Elles sont profondément traumatisées. Des psychiatres ont étudié les sœurs pendant des semaines. Le Dr
Leon Janil Pan, un expert reconnu, a conclu que Christine et Leia s’étaient construit un monde à part. Selon lui, il ne s’agissait pas d’un meurtre, mais d’un acte de survie, d’une manière de se venger de ceux qui, selon elles, les avaient blessées. Le témoignage le plus glaçant est celui de Christine elle-même. Invitée à décrire les événements, elle a parlé d’une voix calme et impassible : «
 Ils nous ont dit que nous ne valions rien. Nous leur avons prouvé le contraire. » Lorsque le procureur lui a demandé si elle regrettait d’avoir ôté deux vies, Christine a froncé les sourcils. « Innocentes ? » a-t-elle demandé. « Elles n’étaient pas innocentes. Elles nous ont fait sentir comme si nous n’étions rien. » Après trois jours, le jury a rendu son verdict. Christine, considérée comme la meneuse, a été condamnée à mort.
Leia, jugée sous l’influence de sa sœur, a été condamnée à dix ans de travaux forcés. La salle d’audience a explosé de joie. Certains ont applaudi, d’autres ont pleuré. Mais le moment le plus poignant est venu des sœurs elles-mêmes lorsqu’elles ont compris qu’elles allaient être séparées. Christine s’est mise à crier… Le nom de ma sœur revient sans cesse.
Leia s’effondra en sanglots et dut être emportée hors de la pièce. Pour la première fois depuis leur arrestation, les deux jeunes femmes laissèrent transparaître une profonde émotion, se tendant la main l’une vers l’autre tandis que les gardes les séparaient. Le coup de grâce. En prison, séparée de Leia pour la première fois de sa vie, Christine sombra dans la folie. Elle refusa de s’alimenter, persuadée que les gardes voulaient lui faire du mal.
Elle devint fragile, agitée et repliée sur elle-même. Le plus troublant était sa conversation avec Leia. Des conversations dont les gardes comprirent bientôt qu’elles étaient totalement à sens unique. Christine passa des heures à parler doucement à la cellule vide, comme si sa sœur était encore là. « Ne t’inquiète pas, Leia », murmurèrent-ils. « Je te protégerai. Je te protégerai toujours. » Le docteur
Rouge, psychiatre de la prison, a constaté le déclin rapide de Christine. Elle s’était construit un monde à part où sa sœur était toujours avec elle. Elle laissait la moitié de sa nourriture intacte pour Leia, lui faisait une place sur son lit et lui parlait pendant des heures. Il devenait douloureusement évident que Christine ne pouvait vivre sans sa sœur. Leur lien, si intense et si profond, la déchirait.
Sa peine de mort fut commuée en prison à vie, mais il était trop tard. Christine mourut dans sa cellule le 18 mai 1937, quatre ans plus tard. La cause officielle du décès fut l’épuisement, mais ceux qui la connaissaient pensaient qu’elle ne supportait tout simplement pas la séparation. Ses dernières paroles, selon l’aumônier de la prison, furent : « Dis à Leia que je l’attends. »
La vie solitaire de Leia. Leia purgea sa peine en entier et fut libérée en 1943. À 32 ans, elle se retrouva seule pour la première fois de sa vie. Elle changea son nom en Marie et devint femme de chambre dans un petit hôtel de Na. Pendant près de soixante ans, elle vécut paisiblement, sans jamais se marier ni avoir d’enfants.
Les clients de l’hôtel la décrivaient comme polie et consciencieuse, mais distante, toujours à l’écart. Ses voisins remarquèrent d’étranges habitudes. Elle mettait le couvert pour deux, parlait à voix basse, comme si quelqu’un d’autre était présent, et gardait toujours tout en double chez elle : deux oreillers, deux chemises de nuit, deux brosses à dents. C’était comme si elle vivait encore avec sa sœur.
Même des décennies après la mort de Christine, Leia s’éteignit en 2001 à l’âge de 90 ans. On la trouva paisiblement allongée dans son lit, deux oreillers à ses côtés. Après près de 70 ans, elle n’avait jamais vraiment quitté cette chambre mansardée de son esprit. Certains liens, semble-t-il, sont plus forts que le temps et impossibles à briser. L’héritage de la violence.
L’affaire des sœurs Papan a bouleversé la France. Elle a contraint la société à se confronter à des questions difficiles concernant les classes sociales, le pouvoir et le traitement des domestiques. Le droit du travail a finalement été réformé et les conditions de travail améliorées. L’idée que les employeurs puissent déshumaniser leur personnel a enfin été remise en question.
Mais le plus troublant dans cette affaire, c’est peut-être ce qu’elle a révélé sur la nature humaine. Elle a démontré que, sous une pression suffisante, n’importe qui peut atteindre un point de rupture. Christine et Leia ne sont pas nées meurtrières. Elles ont été façonnées par des années de négligence, de maltraitance et un système qui les a rendues invisibles. Leur histoire a inspiré des livres, des pièces de théâtre et des films.
Jean-Paul Sartra les voyait comme des symboles de la lutte des opprimés. Jean Jane s’est inspiré de leur histoire pour écrire sa pièce, Les Bonnes. Mais au-delà de l’art et de la philosophie, il s’agit avant tout d’une tragédie. Deux jeunes femmes si profondément marquées par la vie qu’elles ont complètement perdu le nord. La photo qui a tout déclenché. Revenons-en à cette photographie.
Deux sœurs côte à côte, l’air calme et ordinaire. Elle a été prise en 1932, quelques mois seulement avant que tout ne bascule. Regardez de plus près. La main de Christine repose, protectrice, sur l’épaule de Leia. Elles sont un peu trop proches, leurs regards absents, comme si elles observaient quelque chose que personne d’autre ne pouvait voir. Les signes étaient pourtant là : l’isolement, la dépendance, le ressentiment silencieux.
Mais personne ne les a remarqués. Tous ceux qui les connaissaient ont dit la même chose par la suite. Elles semblaient si calmes, si normales. Et c’est ce qui rend cette histoire si troublante. Parfois, le danger ne paraît pas menaçant. Parfois, il se cache derrière les visages les plus ordinaires, les questions qui demeurent. Aujourd’hui encore, près d’un siècle plus tard, cette affaire nous laisse avec des questions auxquelles il est difficile de répondre.
Qu’est-ce qui transforme quelqu’un en meurtrier ? Est-ce inné ou forgé par la vie ? Cette tragédie aurait-elle pu être évitée si quelqu’un avait aidé les sœurs ou fait preuve de gentillesse à leur égard ? Et la pensée la plus glaçante est peut-être : combien d’autres personnes vivent actuellement au bord du précipice, à un cheveu de leur propre rupture ? La prochaine fois que vous regarderez une vieille photo, demandez-vous : quelles histoires se cachent derrière ces visages sereins ? Quelle souffrance portent-elles ? Car l’affaire de Christine et Leia Papa nous rappelle que
nous ne savons jamais vraiment ce qu’une autre personne a enduré ni de quoi elle est capable. La photo à l’origine de cette histoire est plus qu’une simple image. C’est un avertissement. La normalité peut être un masque dissimulant une tempête sous-jacente. Regardez Christine et Leia une dernière fois. Deux sœurs qui semblaient si normales.