🇫🇷 Le Dilemme Éthique et la Logique Binaire des Taxes Sanitaires

 

L’extrait vidéo, bien que court, cristallise un débat politique et éthique fondamental au sein de l’hémicycle : la gestion des produits potentiellement nocifs pour la santé publique, et plus particulièrement pour la jeunesse, à travers le prisme de la fiscalité. La confrontation entre la proposition initiale et la réplique tranchée de Marine Le Pen met en lumière deux philosophies distinctes de l’intervention de l’État.

Le débat s’ouvre sur une reconnaissance implicite du danger. L’orateur initial évoque ces boissons énergisantes fortement alcoolisées, dont l’existence même soulève un questionnement sur leur impact sur les jeunes consommateurs. Il reconnaît que l’idéal serait l’interdiction, le retrait pur et simple de ces produits du marché. C’est l’aveu d’une nuisance avérée ou fortement suspectée. Cependant, face à ce qui est présenté comme l’échec ou l’impossibilité d’une interdiction radicale – peut-être pour des raisons juridiques, économiques, ou d’opposition sectorielle – la proposition de substitution est avancée : la taxation. L’argument est pragmatique : “les taxes marchent.” Il s’agit d’une tentative de régulation par le prix, de dissuasion par le coût, une approche bien connue en matière de santé publique, souvent appliquée au tabac ou aux boissons sucrées.

Marine Le Pen – News, Research and Analysis – The Conversation – page 1

C’est précisément contre cette approche que Marine Le Pen oppose une résistance véhémente, la qualifiant de “moralement condamnable.” Son argumentaire repose sur une logique binaire, un syllogisme simple et puissant : un produit est soit nocif, soit inoffensif. Il n’y a pas de zone grise. Si un produit est jugé suffisamment dangereux pour la santé des jeunes, l’obligation morale et politique de l’État n’est pas de le taxer, mais de l’interdire purement et simplement.

L’enjeu soulevé par la cheffe de file du Rassemblement National n’est pas tant l’efficacité potentielle de la taxe – bien qu’elle puisse être débattue – mais la perversion du rôle de l’État que cette taxation impliquerait. Taxer, dans ce contexte, revient à accorder une légitimité conditionnelle à la nocivité. C’est accepter, moyennant une contrepartie financière, que des produits nuisibles continuent d’être commercialisés. Pour Marine Le Pen, l’État ne devrait jamais chercher à “se faire de l’argent” sur la santé de ses citoyens. Collecter des recettes sur des “agissements dont nous savons qu’ils vont à l’encontre de la santé de nos jeunes” est perçu comme une forme de cynisme institutionnel, où la santé publique devient un instrument de financement budgétaire.

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Cette position illustre une méfiance profonde à l’égard de l’État-régulateur qui privilégierait l’encaissement de recettes sur la protection absolue. La critique sous-jacente est que la taxation, loin d’être une mesure de santé publique pure, devient un alibi, une solution de facilité qui permet de contourner le courage politique nécessaire pour imposer une interdiction. En taxant, l’État se place dans une posture ambivalente : il reconnaît le danger tout en acceptant d’en tirer profit. Pour l’opposante, c’est une démission de l’autorité, une trahison de la mission première de protection de la population.

La logique est donc poussée à son terme. Si l’on accepte l’interdiction en cas de toxicité avérée, la position inverse doit être tenue avec la même rigueur : si le produit n’est pas considéré comme nocif, si sa commercialisation est tolérée sans danger imminent, alors il n’y a “aucune raison de les taxer.” La taxation, selon cette perspective, ne doit pas être un outil punitif ou idéologique, mais uniquement un instrument de régulation économique ou, dans le cas des produits de santé, un moyen d’internaliser un coût social, mais seulement en l’absence de danger vital ou avéré.

Le vote annoncé par Marine Le Pen, contre “l’ensemble de ces taxes,” s’inscrit dans cette ligne de pensée. C’est une affirmation de la logique du “tout ou rien” en matière de santé publique et de morale politique. La taxation est rejetée non seulement pour son caractère jugé hypocrite, mais aussi parce qu’elle introduit une complexité inutile là où une solution simple, l’interdiction, est dictée par l’impératif de protection de la jeunesse.

L’écho de cette courte séquence dépasse la question des boissons énergisantes. Elle renvoie à un débat plus large sur la “taxe comportementale” et ses limites. Jusqu’où l’État peut-il aller dans la monétisation des “mauvais comportements” ou des produits jugés indésirables avant que la taxe ne devienne un simple impôt déguisé, servant à renflouer les caisses plutôt qu’à changer les habitudes ? La rhétorique de Marine Le Pen, en forçant cette dichotomie radicale – c’est toxique, on interdit ; ce n’est pas toxique, on ne taxe pas – cherche à démasquer ce qu’elle perçoit comme un opportunisme fiscal camouflé sous le vernis de la préoccupation sanitaire.

En conclusion, cette prise de position est un exemple éloquent de la manière dont l’opposition politique utilise les débats budgétaires pour soulever des questions de principe. Pour Marine Le Pen, l’intégrité de l’action publique exige que l’État ne puisse pas être simultanément le pourvoyeur de recettes fiscales tirées d’un commerce qu’il juge dangereux, et le garant de la santé de ses jeunes. Le message est clair : la santé n’a pas de prix, et donc, elle ne doit pas avoir de taxe.