L’histoire de Kylian Mbappé, celle d’une ascension fulgurante vers le statut d’icône mondiale et de son arrivée triomphale au Real Madrid, ne peut être dissociée de la figure centrale qui en est l’architecte stratégique : sa mère, Fayza Lamari. Ancienne handballeuse professionnelle et administratrice à Bondy, Lamari a troqué les parquets et les bureaux pour les tables de négociation les plus complexes du football mondial, s’imposant comme la “parent-agent” la plus puissante – et la plus controversée – de sa génération. Son rôle transcende la simple gestion de carrière : elle est le cerveau de l’empire Mbappé, gérant l’image, les finances, les projets philanthropiques, et surtout, les affaires via sa structure Coalition Capital. Son style, décrit par la presse comme celui d’une femme « difficile à crever », est une fusion détonante de rigueur sportive héritée, de protection maternelle farouche et d’un sens des affaires direct et non négociable. Cependant, l’éclat de la gloire sportive de son fils au Bernabéu contraste brutalement avec l’échec cuisant de leurs premières incursions dans le monde de la gestion de club, révélant la complexité et les contradictions de cet empire familial.

Lamari est bien plus qu’une conseillère ; elle est le véritable point d’ancrage émotionnel et stratégique de Kylian. Elle a transmis à son fils, d’origine algérienne kabyle, le sens aigu de l’effort et de la discipline propre au haut niveau, un héritage qui a forgé le professionnalisme du joueur. Dans son rôle d’agente, elle se positionne en guerrière des intérêts de son client, n’hésitant pas à endosser le rôle de « méchante » pour obtenir le maximum des clubs. Cette intransigeance a atteint un sommet lorsqu’elle a négocié avec… Kylian lui-même. Pour financer l’association caritative Inspired by KM, Lamari a exigé, non sans humour, une part importante du salaire de son fils, finissant par s’accorder sur une fraction substantielle, menaçant même, en plaisantant, de « se retirer » et de « partir aux Maldives » si ce pourcentage n’était pas respecté. Une telle anecdote illustre l’ampleur de son emprise sur les aspects financiers, une mainmise si totale qu’elle a soulevé des questions sur la conformité future avec les nouvelles réglementations de la FIFA exigeant une licence officielle d’agent.

L’autre grande bataille de Lamari concerne l’image publique de Mbappé. Elle et Kylian luttent farouchement pour conserver le contrôle total de sa marque personnelle. Ce combat a éclaté au grand jour lorsque Mbappé a publiquement critiqué le Paris Saint-Germain pour avoir utilisé son image sans consentement dans une vidéo promotionnelle pour les abonnements de la saison passée. L’attaquant avait alors insisté sur le fait que le club était « un grand club et une grande famille, mais pas Kylian Saint-Germain », un acte de défiance que Lamari avait tempéré en interne, mais dont elle partageait la philosophie profonde : l’artiste doit être maître de son œuvre et de son image. Malgré les millions qui s’accumulent, Lamari garde une certaine prudence vis-à-vis de la richesse, confiant avoir souffert du « syndrome du pauvre » et de la peur que l’argent ne disparaisse subitement, une angoisse qui l’a poussée à ne pas toucher l’argent des premières années de gloire.

Son rôle de mère, confronté à la célébrité extrême, n’est pas exempt de souffrance et de pression. Elle a révélé le poids des rumeurs et des controverses publiques, notamment lors de l’enquête pour agression sexuelle en Suède qui visait son fils il y a quelque temps. Profondément blessée et inquiète, elle n’avait pu s’empêcher de lui demander : « Tu as fait ça ? » Malgré les pressions du succès, elle s’efforce de maintenir un cap éthique, articulé par sa célèbre maxime adressée à Kylian : « Si tu veux être un grand footballeur, sois d’abord un homme grand. » Cette philosophie met l’accent sur la nécessité de l’humanité et de l’intégrité, même au sommet de la gloire, distinguant le succès sur le terrain du succès moral.

Toutefois, la réalité du terrain économique a infligé un revers cinglant à l’ambition de Coalition Capital. L’investissement dans le Stade Malherbe Caen (SM Caen), un club historique français, devait être la vitrine de l’engagement entrepreneurial et social de Mbappé. Cependant, sous la direction de Fayza Lamari, le projet a rapidement viré au cauchemar. L’échec sportif fut retentissant, avec la relégation du SM Caen en National (troisième division) lors de la première saison complète, une chute amère après plusieurs décennies d’existence en première ou deuxième division. Cette débâcle a provoqué la fureur des supporters, qui ont scandé des banderoles comme : « Mbappé, le SMC n’est pas ton jouet ».

Face à la crise, Fayza Lamari a dû prendre des décisions douloureuses et drastiques. L’instabilité administrative et la perte de revenus ont nécessité la mise en œuvre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Ce plan social s’est traduit par le licenciement de plusieurs employés dans les secteurs clés et une réduction budgétaire massive, ramenant le club à un effectif considérablement réduit et un budget bien moins important, soit une fraction de ce qu’il était avant. Ce contraste est saisissant : tandis que Kylian éblouit l’Europe avec des buts décisifs qui cimentent l’hégémonie du Real Madrid, sa mère est confrontée à la brutalité des coupes budgétaires et des licenciements dans le cadre de leur projet personnel. Lamari, tout en défendant l’investissement comme « un défi » et « une preuve d’amour » pour le football, se retrouve au cœur d’une polémique illustrant que la puissance financière ne garantit jamais le succès managérial.

En conclusion, Fayza Lamari est une figure indispensable et paradoxale de l’ère Mbappé. Elle est le bouclier protecteur, la négociatrice acharnée qui a garanti à son fils une indépendance financière et une maîtrise d’image sans précédent. Mais elle est aussi l’incarnation des limites de l’influence. Le succès éclatant de Kylian sur le terrain de la Liga, où il est le catalyseur de la victoire, n’a pas pu empêcher l’échec de Coalition Capital à Caen. La trajectoire de Lamari est un miroir des tensions du sport moderne : entre la pureté de la passion filiale, la rigueur de l’éthique personnelle, et la froide, souvent cruelle, réalité de l’entrepreneuriat sportif. Elle reste, malgré les critiques, la gardienne inébranlable d’un empire qui continue de croître, même si ses fondations économiques doivent parfois affronter des tempêtes plus violentes que n’importe quelle défense adverse.