Le monde de la mode pleure l’un de ses plus grands architectes. Giorgio Armani s’est éteint paisiblement le 4 septembre à Milan, à l’âge de 91 ans, dans son appartement de la très chic Via Borgonuovo, là où il avait élu domicile depuis des décennies. L’insuffisance cardiaque a eu raison du Re del lusso (le Roi du luxe), qui avait refusé toute hospitalisation, préférant la dignité et l’intimité de sa demeure pour son ultime voyage.

L’annonce, d’abord relayée par la presse italienne, a fait le tour du monde, marquant la fin d’un demi-siècle de style et de rigueur. Pourtant, derrière l’hommage, surgit une énigme troublante : le créateur, qui n’a jamais été marié, n’a jamais eu d’enfant et n’a jamais désigné de successeur public, laisse un empire de plus de 6,5 milliards d’euros dans un flou total.

Giorgio Armani à vlo devant sa maison italienne.

La Mort Discrète du Maître du Style

Fidèle à son image de contrôle et de discrétion, la mort de Giorgio Armani fut un événement silencieux. Son corps fut découvert par son personnel domestique. Affaibli par l’âge, il avait choisi de s’éteindre chez lui.

Aucun hommage national, aucune cérémonie officielle publique n’a eu lieu, à la demande de sa Fondation. Seule une messe privée, en cercle très restreint, a marqué son deuil, fidèle à l’image d’un homme qui fuyait le tumulte médiatique. Mais cette absence de mise en scène alimente les spéculations. L’homme qui a dessiné les costumes d’American Gigolo et habillé les présidents a-t-il sciemment organisé sa disparition dans le silence pour éviter la banalisation de son œuvre ?

L’Empire Armani : Une Fortune de Plus de 6,5 Milliards d’Euros

La fortune personnelle de Giorgio Armani était colossale. Estimée à plus de 6,5 milliards d’euros par Forbes en 2023, elle ne se résume pas à l’argent liquide. Elle est une architecture complexe d’actifs :

Le Groupe Armani (Giorgio Armani SpA) : Le cœur du patrimoine. L’entreprise est toujours détenue à 100% par le créateur et n’est pas cotée en bourse, ce qui lui conférait une indépendance totale, mais pose aujourd’hui un problème de liquidité et de gouvernance.
L’Immobilier de Luxe : Armani possédait plusieurs résidences privées, toutes conçues et décorées selon son style épuré et minimaliste, à l’image de son esthétique :

Le penthouse sur la Via Borgonuovo à Milan (où il est décédé).
Une villa minimaliste sur l’île de Pantelleria.
Une résidence luxueuse à Saint-Tropez.
Sa célèbre villa sur l’île d’Antigua aux Antilles.

Les Marques et Contrats : Le groupe détient de multiples marques (Emporio Armani, Armani Exchange, Armani Casa, etc.) et des contrats majeurs, notamment avec L’Oréal pour les cosmétiques et Emaar Properties pour les luxueux Armani Hotels. Ces contrats génèrent d’importantes royalties et droits d’auteur.

Le Mystère du Testament Scellé et la Fondation Giorgio Armani

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Dès 2016, anticipant sa succession, Giorgio Armani avait créé la Fondation Giorgio Armani, une entité chargée de préserver son héritage stylistique et de garantir la stabilité et la pérennité du groupe. Selon les documents publics, la Fondation détient désormais la majorité des parts de la société.

Cependant, la gouvernance post-mortem reste opaque et le testament officiel est scellé chez un notaire milanais. Ses avocats ont affirmé que cette décision visait à éviter toute spéculation inutile. Or, l’absence de déclaration publique de la part des membres de sa famille, notamment ses nièces Sylvana et Roberta qui ont longtemps collaboré avec lui, alimente les rumeurs.

Plusieurs sources économiques italiennes évoquent des tensions entre les cadres historiques du groupe et les avocats de la Fondation. D’autres parlent d’une clause testamentaire stricte, voire d’un document secret rédigé à la main.

En choisissant de centraliser son patrimoine sous la bannière d’une fondation plutôt que de désigner des héritiers directs ou un successeur charismatique, Giorgio Armani a fait un choix radical : garantir la permanence de son style au détriment de l’humanisation de sa succession.

Ce geste, à la fois génial et autoritaire, laisse le monde de la mode face à un paradoxe. L’homme qui incarnait le contrôle total est parti en laissant derrière lui une énigme sur le pouvoir personnel, la transmission et la solitude des génies. Le destin du géant de la mode est désormais entre les mains d’un conseil de surveillance, mais l’absence d’un visage désigné ouvre la porte à des conflits légaux potentiels qui pourraient faire vaciller l’une des dernières grandes maisons de couture indépendantes.