Bardella comparé à Hitler sur le service public : la stratégie du choc qui révèle le “mépris de classe” et l’agonie du débat

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Le service public, miroir d’une société apaisée ou arène d’une diabolisation sans filtres ? La question brûle à nouveau les lèvres après une séquence stupéfiante diffusée sur une chaîne nationale, en heure de grande écoute. L’invité de marque, bien qu’absent du plateau, n’était autre que Jordan Bardella. Le sujet ? La comparaison pure et simple du président du Rassemblement National avec Adolf Hitler.

L’incident, loin d’être un dérapage isolé, s’inscrit dans une rhétorique qui, selon ses détracteurs, gangrène le débat politique. Sur le plateau de “C dans l’air”, la discussion dérive sur les relations entre le patronat et le jeune leader politique. C’est alors que la comparaison est lâchée. Il est question de “l’effet von Papen”, du nom de ce chancelier allemand qui, en 1933, crut pouvoir manipuler Hitler et le contrôler. L’insinuation est limpide : le patronat verrait en Bardella un jeune homme “qui n’y connaît rien”, une marionnette docile à qui l’on pourrait “donner un programme libéral”.

Comme si la référence au nazisme ne suffisait pas, un autre parallèle est convoqué : celui de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, qualifié à son époque de “crétin qu’on mènera par le bout du nez” avant de s’installer au pouvoir pour 18 ans. Le message est double : Bardella serait à la fois un danger hitlérien potentiel et un imbécile manipulable.

Ce qui frappe, et ce que les critiques de la séquence, comme l’avocat Gilbert Collard, ont immédiatement souligné, c’est le silence. L’absence totale de contradiction. “Il n’y a pas un communiqué, il n’y a jamais l’ombre d’une excuse, il n’y a pas une explication”, s’insurge M. Collard, rappelant avoir lui-même été traité de “bras droit de Hitler” sur le service public, une affaire qui s’était soldée en appel par une relaxe au nom de… la liberté d’expression.

La réaction de Jordan Bardella, diffusée ultérieurement, a été à la mesure du choc. “Je suis stupéfait”, a-t-il déclaré, dénonçant une comparaison faite “sur le service public, sur une heure de grande écoute, sans que cela ne provoque à minima une contradiction”. Il pointe du doigt la “reductio ad Hitlerum”, cette “rhétorique insupportable” de la gauche visant à “diaboliser tous ceux qui sont en désaccord avec eux”.

Mais Bardella ne s’est pas arrêté là. Il a ajouté une dimension plus profonde, plus sociale à son analyse : celle du “mépris de classe”. “Considérant que lorsqu’on n’a pas fait les grandes écoles, comme c’est mon cas, on ne peut pas avoir une pensée autonome, on ne peut pas lire des livres […] et on peut encore moins avoir des ambitions politiques”. Pour lui, ce n’est pas seulement sa personne qui est visée, ce “sont des millions de Français qu’ils injurient”. Des citoyens qui, en voyant cette séquence, se sentent “insultés, méprisés” par une élite médiatique “bien-pensante” et déconnectée, financée par leurs propres impôts.

Cet incident est perçu par beaucoup comme un avant-goût de la violence de la prochaine campagne présidentielle. Gilbert Collard prédit une coalition médiatique et artistique contre le Rassemblement National. “Ils vont tout nous faire”, lance-t-il, “Oradour, les camps, tout va repartir”. Il qualifie cette argumentation de “franchement débile”, “complètement approximative et anachronique”. Comment, s’interroge-t-il, des gens “censés être éduqués” peuvent-ils raconter “n’importe quoi” en comparant des périodes historiques si différentes ?

La question fondamentale que soulève cet épisode est celle de l’influence réelle de ces médias. Paradoxalement, alors que le RN est la cible quasi-quotidienne de cette opposition frontale, sa popularité n’a jamais été aussi haute, Bardella caracolant à 37% dans certains sondages. Cela suggère, selon certains analystes, que cette “gauche crypto-pseudointellectuelle” est désormais enfermée dans sa propre “réserve médiatique”, un entre-soi où le même discours tourne en boucle, de la radio à la télévision publique, sans jamais rencontrer de véritable contradiction.

Le problème n’est donc pas tant qu’une chroniqueuse exprime une opinion, aussi choquante soit-elle, mais que l’animateur et les autres journalistes sur le plateau “renchérissent”, créant une bulle imperméable à toute pensée divergente. L’ARCOM, le régulateur des médias, est désormais sous pression pour réagir face à ce qui est décrit comme un “problème de démocratie”.

G. Collard: “Comme Bardella, je me suis fait traiter de bras droit d’Hitler  sur le service public !"

Cette diabolisation s’étend au-delà de la seule personne de Jordan Bardella ou du RN. Comme l’a souligné une intervenante, ce sont désormais des thèmes entiers qui sont “nazifiés” : l’immigration, la sécurité, la famille, et même, ironiquement, le barbecue. Le résultat ? Le débat public est “empêché”, “non seulement pénible, mais dangereux”.

Dans ce climat de dégradation du débat, la réaction de Jordan Bardella a été comparée à celle, historique, de Jacques Chirac en 2002. Attaqué par Lionel Jospin sur son âge et sa fatigue, Chirac avait répondu avec une maîtrise d’homme d’État. D’abord, “ça m’a fait sourire”, puis, “je n’ai pas souri. Pas du tout. Pas pour moi, naturellement, mais pour les Français”. Il avait alors élevé le débat, refusant l’attaque personnelle pour la requalifier de “dérive”, de “délit de sale gueule”, et réclamer un “véritable débat digne d’une démocratie”.

La comparaison est cruelle. Elle expose un changement d’époque. La gestion des silences de Chirac, sa simplicité, sa capacité à prendre du temps pour répondre sans être interrompu, tout cela semble appartenir à un monde révolu. Aujourd’hui, “il serait moins efficace”, note un observateur, “parce qu’à l’époque, on ne tolérait pas ça et on le tolère plus facilement aujourd’hui”. La France Insoumise, entre autres, est passée par là, habituant l’opinion à une brutalité rhétorique inédite.

Cette tension dans l’arène médiatique et politique fait écho à d’autres frustrations palpables. Lors de la même émission, Gilbert Collard a fait une digression passionnée sur les refus d’obtempérer, un sujet qui électrise l’opinion. Fustigeant le fait que 99,9% des gens s’arrêtent, il a réclamé une “peine plancher maximum” de “5 ans de prison” pour ceux qui refusent, arguant que les policiers “ont peur” de réagir de peur de finir eux-mêmes “en prison”.

Dans un autre registre, la discussion s’est portée sur Nicolas Sarkozy, dont la situation judiciaire continue de fasciner. L’ancien président, incarcéré, recevrait des “milliers de lettres” à la prison de la Santé, un “soutien massif”, des bibles et des chapelets, signes d’un “lien singulier” avec une partie des Français. Parallèlement, son avocat, Me Collard, analyse avec inquiétude la décision de la cour de refuser la libération d’Alexandre Djouhri en se basant sur le “contexte de l’affaire”, un argument qu’il juge hors-la-loi. Selon lui, en droit strict, Nicolas Sarkozy “est dehors”.

Pascal Praud sur le Front Populaire : "On est en 1933 et Jordan Bardella  c'est Adolf Hitler" - YouTube

Ces différents sujets, de la comparaison de Bardella à Hitler au sort de Sarkozy en passant par les refus d’obtempérer, dessinent le portrait d’une France sous haute tension. Une France où la confiance dans les institutions – médias, justice – est profondément ébranlée. L’incident de “C dans l’air” n’est peut-être que le symptôme le plus visible d’une maladie plus profonde : l’incapacité d’une élite à comprendre, et donc à simplement débattre, avec une partie du pays qu’elle ne sait plus que mépriser.