Le Silence Rompu : À 82 ans, Jacques Dutronc révèle la violente dispute entre Laeticia Hallyday et Eddy Mitchell qui a gâché le dernier soir de Johnny

Il est l’éternel dandy, l’homme au cigare et au silence légendaire. À 82 ans, Jacques Dutronc, celui qui fuit les médias “comme la peste” et qui a toujours refusé de commenter la vie privée de ses amis, vient de briser l’omerta. Et ce qu’il révèle est une bombe. Une déflagration qui vient éclairer d’une lumière crue les derniers mois de la plus grande icône française, son ami, son “frère”, Johnny Hallyday.

Le chanteur a décidé de tout raconter. Pas les rumeurs, pas les on-dit, mais les faits. Les coulisses de la tournée mythique des “Vieilles Canailles” en 2017. Une tournée qui devait être une fête nationale, les retrouvailles de trois titans, mais qui s’est transformée en cauchemar dans l’ombre de la maladie et des tensions. Au centre de l’explosion finale : Laeticia Hallyday.

La révélation de Dutronc est sèche, factuelle, et c’est ce qui la rend si dévastatrice. “Le dernier soir, à Carcassonne, Eddy s’est engueulé avec Laeticia”, lâche-t-il. La conséquence ? “Du coup, après, tout le monde est parti dans son coin.”

Une phrase courte pour décrire une fin gâchée. Une dispute si violente qu’elle a brisé la magie. Johnny, témoin de la scène, en a été si profondément affecté qu’il a prononcé, quelques heures plus tard, des mots qui sonnent aujourd’hui comme un testament brisé. Au bar de l’hôtel, il confie à Dutronc : “Bon bah, on repart en tournée tous les deux, mon Jaco.” Tous les deux. Pas tous les trois. L’acte de décès des Vieilles Canailles venait d’être signé, à cause de cette ultime confrontation. Cinq mois plus tard, Johnny était mort.

Pour comprendre la portée de ce témoignage, il faut revenir au printemps 2017. En mars, le diagnostic tombe : un cancer du poumon. Le même qui a emporté sa mère. Le corps de Johnny, après des décennies d’excès, le rattrape. Les médecins sont clairs : il faut se reposer, commencer un traitement lourd.

Mais une tournée est programmée. Les Vieilles Canailles. Dix dates à travers la France avec ses complices de toujours, Eddy Mitchell et Jacques Dutronc. Laeticia, son épouse, est “absolument contre”. Elle supplie Johnny d’annuler, qualifiant le projet de “suicidaire”. L’homme est affaibli, il commence à peine les chimiothrapies, il a besoin d’une machine à oxygène et de piqûres dans le ventre avant chaque concert. C’est de la folie.

Mais Johnny refuse. Il regarde Laeticia et lui dit cette phrase qui la marque à jamais : “Si je ne la fais pas, je meurs.” Pour lui, la scène n’est pas un métier, c’est sa raison de vivre. Sans elle, il n’est plus Johnny. Alors, il décide de partir, même au risque d’y laisser sa peau. Laeticia, malgré ses peurs, accepte de le suivre. Elle dira plus tard : “Ça a été sa survie.”

Le 10 juin 2017, à Lille, le miracle a lieu. L’homme qui se bat contre un cancer rongeur en coulisses se transforme sur scène. Dès les premiers accords, face à l’énergie du public, le “guerrier” ressort. Le “soldat” reprend du service. Le public ne voit rien. Johnny chante, danse, sourit. Il est l’idole.

Mais en coulisses, c’est une autre histoire. Laeticia est là. Constamment. Elle veille, elle surveille, elle s’inquiète. Elle est dans les loges, dans le bus, à l’hôtel. Partout. Certains membres de l’équipe apprécient cette vigilance. D’autres, et notamment Eddy Mitchell, supportent de plus en plus mal cette omniprésence.

Eddy et Johnny, c’est plus de cinquante ans d’amitié. Ils ont tout vécu. Et ce qu’Eddy voit le met mal à l’aise. Il voit son ami “entouré, surprotégé, presque étouffé” par Laeticia et son équipe. Il voudrait passer du temps seul avec Johnny, rire “comme avant”. Mais Laeticia est toujours là, “entre eux”. Les tensions montent, discrètement. Les non-dits s’accumulent. L’ambiance se dégrade, mais personne n’ose parler, par respect pour le malade.

Jusqu’au dernier soir. Le 5 juillet 2017, à Carcassonne. C’est le tout dernier concert de la tournée. Et, sans que personne ne le sache encore, le tout dernier concert de la vie de Johnny Hallyday.

La soirée se passe bien. Le public est en communion. Mais après le salut final, tout bascule. Dutronc ne donne pas les détails, mais le fait est là : une “violente engueulade” éclate entre Eddy Mitchell et Laeticia Hallyday. Les reproches fusent. La fatigue accumulée, les frustrations, les vieilles rancœurs. Est-ce Eddy qui reproche à Laeticia son contrôle ? Est-ce Laeticia qui reproche à Eddy son incompréhension de la fragilité de son mari ? Peu importe la cause, l’effet est désastreux.

L’ambiance est “plombée”. La fête est finie. Au lieu de trinquer, de se remémorer les bons moments, chacun s’isole. Le désastre est total.

Pire encore : Eddy Mitchell, furieux, file en douce. Sans dire au revoir à personne. Pour Johnny, c’est un coup de poignard. Il se sent abandonné par son vieil ami. Il est profondément blessé.

C’est là que se déroule la scène la plus triste, celle racontée par Dutronc. Thomas, son fils, vient le chercher : “Johnny est au bar, tu dois y aller.” Jacques descend. Il trouve Johnny “seul, un verre à la main, le regard dans le vide.” L’homme le plus célèbre de France, entouré par des millions de fans, est seul au bar d’un hôtel. La solitude ultime du rockeur.

En voyant Dutronc, Johnny lève les yeux et lâche sa sentence : “Bon bah, on repart en tournée tous les deux, mon Jaco.” Dans cette simple phrase, Dutronc comprend tout. Johnny sait que quelque chose s’est “brisé” ce soir-là. Que la dispute entre son meilleur ami et sa femme a créé une fracture irréparable. La magie des Vieilles Canailles est morte à Carcassonne.

Cette tournée à deux n’aura jamais lieu.

Le témoignage de Dutronc, livré des années plus tard, prend tout son sens lorsqu’on le replace dans le contexte de la guerre d’héritage qui a suivi la mort de Johnny. Il vient confirmer ce que les autres amis et les aînés Hallyday (David et Laura) ont toujours affirmé : l’isolement progressif du Taulier dans ses derniers mois.

Sylvie Vartan, Jean-Marie Périer, Pascal Obispo… tous ont parlé d’un Johnny “gouroutisé”, d’un mur construit autour du rockeur, d’amis écartés, d’appels sans réponse. L’explosion d’Eddy Mitchell à Carcassonne n’est que le symptôme final d’une frustration accumulée pendant des mois.

Les rumeurs qui circulent depuis des années sur cette nuit-là semblent confirmées. On dit qu’Eddy aurait reproché à Laeticia d’isoler Johnny, de refuser qu’il passe du temps seul avec son vieil ami, prétextant sa fatigue, ce qu’Eddy aurait perçu comme une volonté de contrôle.

Ce qui est certain, c’est que Johnny a été la victime collatérale de cette guerre. Dutronc le dit : il était “triste, désabusé”. Il voulait finir en beauté, il a eu droit à la confusion et l’amertume. Le rockeur était pris entre deux feux : l’amour protecteur, voire étouffant, de sa femme, et l’amour historique de ses vieux amis. Il était tiraillé, incapable de contenter tout le monde, et, comme le dit le transcript, “il a fini par perdre tout le monde”.

Aujourd’hui, à 82 ans, Jacques Dutronc a perdu Françoise Hardy et pleure encore Johnny “pas une journée sans qu’il pense à lui”. Il ne cherche pas à accabler Laeticia ni à défendre Eddy. C’est ce qui rend son témoignage si puissant. Il n’y a pas de colère, pas de rancœur. Juste la tristesse infinie d’un “gâchis”.

En racontant cette anecdote, Dutronc ne règle pas de comptes. Il constate les faits. Il raconte la vérité d’une fin gâchée, celle d’un homme malade pris en otage entre les siens, d’une fête terminée en drame, et d’une famille déchirée avant même que la mort n’ait frappé.