Le Rire comme Exutoire : Comment Bernard Mabille pulvérise Macron, Hidalgo et la bien-pensance en plein spectacle

Bernard Mabille: "Macron thought the Pope was Brigitte!" - YouTube

Quand un humoriste monte sur scène, on s’attend à rire. Quand Bernard Mabille monte sur scène, on s’attend à ce que des têtes tombent. Dans son dernier spectacle, la salle explose de rire, un rire franc, libérateur, presque coupable. Car Mabille ne fait pas dans la dentelle. Il n’est pas là pour caresser dans le sens du poil, ni pour proposer une analyse politique nuancée. Il est là pour “tailler des costards”, et il le fait avec la précision d’un sniper et la vulgarité assumée d’un “tonton” qui a décidé d’ouvrir les vannes lors d’un repas de famille.

Mais derrière les vannes assérées et l’humour décapant qui ont fait sa réputation, ce spectacle est bien plus qu’une simple succession de blagues. C’est un symptôme. Un révélateur puissant de la fracture béante entre la France “officielle” – celle des élites politiques et médiatiques – et le sentiment populaire. Mabille, en “ridiculisant” Anne Hidalgo, Emmanuel Macron et même le roi Charles III, ne fait pas que de la comédie ; il se fait l’écho d’une exaspération nationale, d’un “ras-le-bol” généralisé que la bien-pensance tente de contenir.

Le premier missile est pour la capitale. “On a viré les trottinettes de Paris”, lance-t-il, avant de marquer une pause et d’achever : “Reste plus qu’à virer d’Algo.” La salle hurle de rire. En une phrase, il résume ce que des milliers de Parisiens et de Français pensent de la gestion de la capitale. La trottinette n’est qu’un symbole, le catalyseur d’une frustration bien plus profonde : une ville jugée invivable, sale, déconnectée de ses habitants, gérée par une administration perçue comme idéologique et sourde. Mabille transforme une simple décision administrative en un référendum populaire sur la maire elle-même. C’est cruel, c’est direct, et c’est précisément pour cela que ça fonctionne.

Mais la cible de choix, le gibier royal de Bernard Mabille, reste Emmanuel Macron. Le président de la République en prend pour son grade, et l’humoriste n’épargne rien, ni l’homme, ni sa fonction, ni même son épouse. La visite du roi Charles III, censée être un moment de solennité diplomatique, devient sous la plume de Mabille une farce burlesque, un “Dîner de Cons” à l’échelle internationale.

Il se moque d’abord de Brigitte Macron, qui “roule une pelle à la reine”, imaginant une confusion protocolaire d’une ancienne commerçante face à une “reine… de la quinzaine commerciale”. Puis il s’attaque au Président lui-même, décrivant un Emmanuel Macron en roue libre, incapable de retenir ses mains : “Il n’a pas arrêté de le plotter [le roi Charles] ! Oh là là, les balles, les bras, même la fesse !”. L’image est dévastatrice. Elle dépeint un “Jupiter” qui, à force de vouloir paraître familier et maître du jeu, en devient gênant, brisant le protocole non pas par modernité, mais par un manque de retenue presque puéril.

Le coup de génie satirique survient lors de l’épisode de la plantation de l’arbre. Charles III a planté un chêne, un cadeau d’Emmanuel Macron. Mabille jubile : “C’est la première fois qu’on plante un chêne… offert par un gland !”. La salle est pliée en deux. L’insulte est flagrante, mais la métaphore est si parfaite qu’elle en devient une œuvre d’art satirique. Mabille oppose d’ailleurs la “simplicité” relative du roi à l’attitude de Macron, renversant l’image du jeune président moderne face au vieux monarque.

Et quand il n’y a plus rien à analyser, Mabille sort l’artillerie lourde. Citant Audiard (“Les cons, ça ose tout”), il adapte : “Moi, quand je vois Macron, je me dis : ‘Les vieux cons sont de plus en plus jeunes.’”. C’est la conclusion logique de son réquisitoire : la promesse de jeunesse et de renouveau s’est évaporée, ne laissant place qu’à une forme d’arrogance perçue comme intemporelle.

Même la royauté britannique, d’ordinaire protégée par une certaine déférence, est passée au Kärcher. La visite de Charles III est un sketch à elle seule. Mabille se moque d’abord de l’hypocrisie de “l’écolo-roi” : “Il est venu en avion… avec la vieille. Il y avait 32 bagnoles à cause de lui […] il y a eu 580 km de bouchon. Bonjour le CO2 !”. Il frappe là où ça fait mal, sur le décalage abyssal entre le discours “vert” des élites et leur train de vie.

🔥 Bernard Mabille RIDICULATES Hidalgo and Macron in full show! - YouTube

Puis, il s’enfonce dans le “cru”, sa marque de fabrique. Il dépeint la reine Camilla comme “vilaine”, raconte une blague scatologique que Charles lui aurait dite sur le “minou” de son épouse, et, surtout, exhume la célèbre et embarrassante conversation où le prince Charles souhaitait être le “tampon” de Camilla. Mabille, impitoyable, ajoute : “Il a été posté il y a 60 ans… Aujourd’hui, il serait plutôt sa couche Confiance !”.

C’est vulgaire ? Assurément. C’est gratuit ? Peut-être. Mais c’est avant tout un acte de désacralisation totale. Mabille refuse de respecter l’autorité, qu’elle soit politique, médiatique (Ségolène Royal chez Hanouna en prend aussi pour son grade) ou monarchique. Il met le roi, le président et la maire de Paris au même niveau, celui de personnages de farce. Il se moque de leurs manies ridicules, comme Charles voyageant avec sa propre lunette de toilettes et son papier toilette 4 épaisseurs, non pas pour le simple plaisir de la trivialité, mais pour rappeler qu’avant d’être des icônes intouchables, ce sont des êtres humains avec des ridicules que le pouvoir ne fait qu’amplifier.

En cela, Bernard Mabille est devenu bien plus qu’un simple humoriste. Il est l’exutoire d’une France qui n’en peut plus de la langue de bois, du “nouveau monde” qui ressemble étrangement à l’ancien, et des leçons de morale permanentes. Car ses blagues “frappent juste”. Elles ne cherchent pas à élever le débat ; elles cherchent à le ramener au niveau du bitume, là où l’exaspération gronde.

Le triomphe de ce spectacle n’est pas seulement le triomphe d’un homme, mais celui d’un genre : l’humour comme dernier espace de liberté, comme une soupape de sécurité nécessaire dans une société sous tension. Le rire qu’il provoque est cathartique. C’est le rire de celui qui se sent impuissant face à des décisions qui le dépassent, mais qui, l’espace d’une soirée, peut enfin se moquer ouvertement et sans filtre de ceux qui les prennent. Bernard Mabille n’est peut-être pas le plus raffiné de nos penseurs, mais il est sans doute l’un des plus nécessaires de nos bouffons.