« Cette page se tourne dans la plus belle des ambiances »… Hanouna rachète sa société de production au géant Banijay

Cyril Hanouna va racheter H2O,  la société de production qu'il a fondée et qu'il dirige.

Cyril Hanouna va racheter la société de production qu’il a fondée et qu’il dirige, H2O, au géant de l’audiovisuel Banijay

«Baba » veut retrouver son autonomie en tant que producteur en rachetant H2O, la société de production qu’il avait fondée en 2010, à Banijay France, qui en assurait le développement depuis 2015. Le montant de l’accord n’a pas été dévoilé. Cyril Hanouna « reste actionnaire » de Banijay, précise le communiqué diffusé par l’animateur-producteur sur ses réseaux sociaux. Ce rachat prendra effet à partir du 1er janvier 2026.

« Cyril Hanouna deviendra l’unique actionnaire d’H2O, société de production qu’il a fondée en 2010 et rachetée par Banijay en 2015 », poursuit le texte. « Cette page se tourne dans la plus belle des ambiances, avec énormément de respect et d’amitié », a assuré l’animateur et producteur, cité dans le communiqué.

« Cette page se tourne dans la plus belle des ambiances ». La formule est signée Cyril Hanouna, et comme souvent avec l’animateur-producteur, elle est à double sens. Polie, presque cordiale, elle masque à peine ce qui restera comme l’un des mouvements stratégiques les plus spectaculaires du paysage audiovisuel français (PAF) de ces dernières années. La nouvelle est tombée comme un couperet : Cyril Hanouna rachète H2O Production, la société qu’il a créée et qui produit son navire amiral “Touche pas à mon poste !”, au géant international Banijay.

C’est bien plus qu’une simple transaction financière. C’est une déclaration d’indépendance. Une émancipation. Pour comprendre la portée de ce séisme, il faut remonter le temps et analyser la relation complexe, faite d’or et de contraintes, qui liait “Baba” au mastodonte dirigé par Stéphane Courbit.

Il y a une dizaine d’années, Cyril Hanouna, alors en pleine ascension, faisait un pari. En vendant sa société H2O à Banijay, il sécurisait son avenir financier de manière spectaculaire, devenant l’un des animateurs les mieux payés d’Europe et actionnaire d’un groupe en pleine expansion. Il troquait une partie de sa liberté d’entrepreneur contre la puissance de frappe d’un géant. H2O est devenue une filiale, et Hanouna, tout en restant le “patron” créatif, est devenu, sur le papier, un “employé” de luxe.

Pendant des années, ce “mariage de raison” a été une formidable machine à cash pour les deux parties. Banijay a profité des succès d’audience stratosphériques de TPMP sur C8, qui servaient de locomotive au groupe et finançaient en partie son expansion internationale. Hanouna, lui, bénéficiait du confort d’une structure qui gérait les aspects les plus lourds de la production, lui laissant le champ libre pour son exercice favori : faire le show, créer la polémique, et régner sur l’access prime time.

Mais cette “belle ambiance” avait un prix. La cage, même dorée, reste une cage.

Les controverses, les dérapages en direct, les amendes record infligées par l’ARCOM (ex-CSA)… tout cela remontait à Banijay. Le groupe international, coté en bourse, devait répondre de la volatilité de son atout le plus précieux. Chaque polémique sur le plateau de TPMP devenait un potentiel problème de “compliance” pour une multinationale qui doit montrer patte blanche à ses investisseurs. Hanouna, de son côté, sentait sans doute le poids de cette structure au-dessus de lui.

Le rachat d’aujourd’hui est donc la fin de cette ambiguïté. Cyril Hanouna n’est plus le “talent” star d’un grand groupe ; il redevient le “patron” à 100 %.

Photo : Exclusif - Cyril Hanouna, sur le plateau de l'émission « TPMP »  (Touche pas à mon poste) présentée par C.Hanouna et diffusée en direct sur  C8, Paris, France, le 13

Que signifie cette indépendance retrouvée ? D’abord, une prise de risque colossale. Hanouna devient son propre banquier. Il assume désormais seul l’intégralité des coûts de production, des salaires (plusieurs centaines d’employés chez H2O), et des risques industriels. Fini le filet de sécurité de Banijay. Si TPMP s’effondre, c’est lui, et lui seul, qui en paiera le prix fort.

Mais c’est aussi, et surtout, une liberté totale. Libéré des contraintes d’un groupe international, Hanouna a les mains libres pour développer sa vision. Et sa vision dépasse de loin le simple cadre de C8. On parle ici de l’homme qui a flairé avant tout le monde le potentiel du “talk-show” permanent, de l’interaction constante avec les réseaux sociaux, et de la création d’une “famille” (ses chroniqueurs, ses “fanzouzes”).

Avec H2O sous son contrôle total, il peut désormais accélérer sur le numérique. Pourquoi se contenter de la télévision linéaire ? Il peut développer des applications, des plateformes de streaming dédiées, des formats courts pour TikTok et Instagram, sans devoir en référer à un conseil d’administration à Paris ou à Londres. Il peut transformer H2O en une véritable “media company” agile, centrée autour de sa marque personnelle.

Ce mouvement sismique pose une autre question, peut-être la plus importante : quelles conséquences pour sa relation avec le groupe Canal+, et son propriétaire Vincent Bolloré ?

Jusqu’à présent, le jeu se jouait à trois : Hanouna (le talent), Banijay (le producteur) et Canal+ (le diffuseur). Désormais, le jeu se joue en face-à-face. Hanouna, propriétaire de son contenu, négociera directement avec C8.

Cela le rend-il plus puissant ou plus dépendant ? Les deux.

Plus puissant, car il détient l’actif principal : l’audience. TPMP est vital pour C8. Sans Hanouna, la chaîne s’effondre. Il peut donc négocier son contrat de diffusion en position de force. Il pourrait même, en théorie, menacer de prendre son émission (qui lui appartient en propre désormais) et de l’emmener sur une chaîne concurrente, ou même de la diffuser en exclusivité sur une plateforme payante. C’est l’arme nucléaire.

Production TV : Cyril Hanouna reprend la main sur H2O - The Media Leader FR

Mais aussi plus dépendant, car il perd l’effet “tampon” de Banijay. S’il n’a plus qu’un seul client majeur (Canal+), il est à sa merci pour la diffusion. Si Canal+ décide de réduire la facture, Hanouna n’a plus le poids de Banijay pour négocier.

C’est tout le paradoxe de cette opération. En rachetant sa liberté à Banijay (dirigé par Stéphane Courbit), il se place peut-être encore plus directement dans l’orbite de son autre allié et “patron” historique, Vincent Bolloré. La relation entre les deux hommes, déjà fusionnelle, devient centrale.

Pour Banijay, l’opération est aussi un tournant. Le groupe perd sa plus grosse vache à lait en France, mais il encaisse un chèque sans doute substantiel. Il se déleste aussi d’un actif certes rentable, mais incroyablement chronophage en termes de gestion de crise. Banijay peut désormais se concentrer sur des formats plus “lisses” et internationaux, comme “Koh-Lanta” ou “MasterChef”. La “belle ambiance” du divorce signifie probablement : “bon débarras, et merci pour l’argent”.

En rachetant H2O, Cyril Hanouna ne fait pas qu’un pari financier. Il fait un pari sur lui-même. Il parie que sa marque, son “aura”, est plus forte que la structure qui l’abritait. Il veut prouver qu’il n’est pas seulement un animateur populaire, mais un véritable entrepreneur des médias, un “mogul” à l’américaine.

La “page qui se tourne” n’est pas la fin d’un livre, c’est le début d’un nouveau tome. Un tome où Cyril Hanouna écrit lui-même les règles, sans éditeur au-dessus de lui. Il est désormais seul aux commandes de son empire. Et dans le monde impitoyable de la télévision, être seul au sommet est à la fois la position la plus désirable et la plus dangereuse.