Giorgia Meloni, déchaînée : “On m’accuse de génocide. C’est un mensonge. J’ai coupé les armes à Israël bien avant la France.”

C’est une Giorgia Meloni “senza freni” – sans retenue – qui s’est présentée sur le plateau de la célèbre émission Porta a Porta face à Bruno Vespa. Loin de l’image parfois calculée de la cheffe de gouvernement, c’est une femme en colère, à la fois combattive et visiblement affectée, qui a livré une défense passionnée de son action et une attaque en règle contre ce qu’elle décrit comme un “climat de barbarie” politique. Au cœur de son intervention, une accusation qu’elle ne tolère plus : celle de “complicité de génocide” dans le conflit israélo-palestinien.

La Première ministre n’a pas éludé les sujets, mais c’est sur la question de la haine politique qu’elle a frappé le plus fort, liant les mots de ses opposants au meurtre tragique du jeune militant conservateur américain Charlie Kirk.

“Je ne compte plus les menaces de mort”

L’ambiance est devenue électrique lorsque Bruno Vespa a abordé le climat de tension croissant en Italie, exacerbé par la polarisation internationale. “Je crains un climat qui devient franchement barbare”, a lancé Meloni d’un ton grave. “L’Italie a déjà traversé cette histoire.”

Elle a alors fait une révélation personnelle sur le coût de sa fonction. “Je peux parler de ce que je vois de mon observatoire. Je ne compte plus les menaces de mort. Je n’ai même plus le temps de les signaler.”

Mais pour Giorgia Meloni, cette haine n’est pas spontanée. Elle pointe du doigt une responsabilité directe de “ceux qui, au sein de la classe dirigeante, disent que j’ai les mains sales de sang”. Elle vise sans les nommer ses adversaires politiques, mais aussi les professeurs et les intellectuels qui, selon elle, utilisent une terminologie incendiaire.

“Savez-vous ce que veut dire accuser quelqu’un d’être complice de génocide ?” a-t-elle martelé, visiblement choquée. “Je pense qu’on n’a plus le sens des mots qu’on utilise. Et on les utilise en sachant que c’est faux, pour faire de la propagande. C’est très grave.”

La vérité sur les armes à Israël : “Une falsification”

C’est sur ce point que la Première ministre a livré sa défense la plus vigoureuse. L’accusation de “complicité de génocide” repose sur la prétendue fourniture d’armes italiennes à Israël. Une “falsification” pure et simple, selon elle.

Can Meloni and Macron patch up their relationship?

“Quiconque connaît l’histoire sait que l’Italie n’a pas autorisé de nouvelles fournitures d’armes à Israël après le 7 octobre”, a-t-elle affirmé, regard droit vers la caméra.

Elle est allée plus loin, se plaçant en position de supériorité morale par rapport à ses partenaires européens. “Pour ceux qui sont intellectuellement honnêtes, nous avons été l’une des nations d’Europe à avoir la position la plus rigide. La France de Macron, qui reconnaît l’État de Palestine, a fait ce choix [d’arrêter les ventes] un an après nous. L’Allemagne l’a fait en août. La Grande-Bretagne a bloqué 30 fournitures sur 350. Nous avons tenu la position la plus stricte, et nous sommes accusés d’une chose que nous n’avons pas faite.”

Pour elle, cette déconnexion entre les faits et les accusations publiques est le carburant de la violence. “Si ceux qui siègent au Parlement, qui sont invités dans les talk-shows, si les professeurs d’université utilisent ces tons, il est normal que le citoyen ordinaire qui écoute y croie. Et il est normal que parmi eux, quelqu’un décide de ‘réagir’.”

L’hommage à Charlie Kirk, tué “parce qu’il avait des arguments”

Le lien avec la violence physique est direct. Meloni a consacré de longues minutes à l’affaire Charlie Kirk, ce jeune militant américain tué pour ses idées. Elle a brossé le portrait d’un “étudiant normal” qui s’asseyait avec un panneau “Prouve-moi que j’ai tort” (Prove me wrong).

“Quiconque le souhaitait pouvait prendre un micro et l’interroger. Il était brillant, très efficace”, a-t-elle décrit. “Mais il était efficace pour démonter avec la logique des thèses qui sont illogiques. Il faisait peur pour cela.”

Sa conclusion est sans appel : “Je l’ai vu arriver souvent. Quand quelqu’un n’a pas d’arguments, il craint celui qui en a. Et la seule chose à faire est de dire : ‘Il est imprésentable, je ne dois pas débattre avec lui.’ C’est ce que nous voyons en Italie quand on empêche les gens de parler à l’université.”

La bataille économique : “Aider la classe moyenne”

Consciente que “beaucoup de gens vont mal”, Giorgia Meloni a défendu son bilan économique. Elle a revendiqué avoir “inversé la tendance” d’une décennie de baisse du pouvoir d’achat. “Avec ce gouvernement, les salaires ont recommencé à croître plus que l’inflation.”

Elle a admis que l’effort principal avait porté sur les bas revenus (jusqu’à 28 000 euros). L’objectif de la nouvelle loi de finances est désormais clair : le “deuxième échelon”, la classe moyenne. “Parler de la classe moyenne signifierait arriver jusqu’à 50 000 euros. Nous étudions comment dépenser au mieux les ressources limitées pour avoir le plus d’impact.”

L’opposition ? “Unis seulement pour me chasser”

Interrogée sur les ambitions que lui prête Matteo Renzi – la présidence du Quirinal – Meloni a balayé l’idée d’un rire las. “Le problème de ceux qui ont passé leur vie à penser au poste qu’ils devaient occuper, c’est qu’ils pensent que les autres sont comme eux. Je suis présidente du Conseil, et je peux vous garantir que cela me suffit amplement.”

Elle a renvoyé ses adversaires à leur propre vide programmatique. “L’opposition ne parle que de moi. J’ai entendu Giuseppe Conte dire : ‘Nous n’avons qu’un seul projet : renvoyer Meloni à la maison.’ Renzi veut m’empêcher d’aller au Quirinal. Mais quand ils m’auront chassée, ils pourront peut-être nous dire pour quoi faire ?”

Défense, Ukraine et souveraineté : l’Europe doit grandir

Sur la scène internationale, Meloni a réaffirmé sa vision d’une Europe plus souveraine, voyant le désengagement relatif des États-Unis non pas comme un drame, mais comme une “bonne nouvelle”.

Elle a d’abord taclé Poutine : son offensive d’été dans le Donbass “a échoué”, la Russie ayant “conquis moins de 1% du territoire ukrainien en 1000 jours”. Les provocations russes (drones) ne seraient qu’un signe de faiblesse pour “effrayer l’opinion publique” des pays frontaliers.

Quant aux critiques sur les dépenses militaires, elle les juge hypocrites et naïves. “La paix ne se construit pas en la déclamant ou en agitant des drapeaux. Elle se construit avec la dissuasion.”

Surtout, elle inverse l’argument de la “subalternité” aux Américains. “Bien sûr que l’Europe a été subalterne ! Elle l’a été parce que les Américains s’occupaient de notre sécurité. Mais ils ne le font pas gratuitement. Moi, je veux une Italie qui ne soit subalterne à personne.” Elle assure que les nouveaux fonds européens, comme le Fonds “Safe”, permettront d’investir dans la défense (cyber, dual-use, innovation) “sans enlever un seul euro” aux dépenses sociales.

Réformes et fierté du Sud

Enfin, elle a défendu avec force ses réformes intérieures. Le référendum sur la séparation des carrières dans la magistrature est une “occasion historique” de “libérer la magistrature des courants politisés”. Elle a tenu à rassurer : “Quoi qu’il arrive, ces référendums n’auront aucune conséquence sur le gouvernement. Nous finirons notre mandat.”

Elle a conclu sur une note de fierté, celle du “Mezzogiorno” (le Sud de l’Italie). Rejetant la logique de “l’assistanat”, elle a affirmé que sa politique d’investissement (infrastructures, Zone Économique Spéciale) avait porté ses fruits. “Aujourd’hui, le Sud est la locomotive de l’Italie. L’emploi y croît plus que la moyenne nationale, le PIB aussi. C’était la bonne voie de croire en eux.”

De l’économie à la justice, de l’Ukraine à la haine politique, Giorgia Meloni a livré une prestation de force, celle d’une dirigeante qui se sent attaquée sur le plan personnel mais plus confiante que jamais dans sa stratégie politique.