Comment Macron a Livré la France aux Milliardaires et Domestiqué les Médias

C’est une perfection. C’est le mot utilisé pour décrire la politique d’Emmanuel Macron vis-à-vis des milliardaires. Non pas une simple bienveillance, mais une “perfection”. Une ère de prospérité sans précédent pour les ultra-riches, orchestrée depuis le sommet de l’État. Mais ce qui ressemble à un âge d’or pour une élite infime pourrait bien être, pour le reste du pays, un véritable braquage. Une enquête approfondie, basée sur des faits documentés et des témoignages internes, dresse le portrait troublant d’un quinquennat marqué par des cadeaux fiscaux colossaux, des conflits d’intérêts majeurs et une domestication méthodique des grands médias, désormais pour la plupart entre les mains de ces mêmes milliardaires, amis et “sponsors” du pouvoir.

Loin de la promesse de 2017 de prendre en compte la “colère” des électeurs de Marine Le Pen, c’est vers les plus grandes fortunes de France que le regard présidentiel s’est immédiatement tourné. L’acte fondateur de cette présidence fut, sans conteste, la transformation de l’Impôt sur la Fortune (ISF) en un simple Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Un tour de passe-passe sémantique qui cache une réalité fracassante : les valeurs mobilières – actions, placements financiers, etc. – qui constituent l’essentiel (près de 80%) du patrimoine des 0,1% les plus fortunés, ont été subitement exonérées. Un “incroyable cadeau fiscal” qui, couplé à la “flat tax” de 12,8% sur les revenus du capital (souvent présentée à 30% dans un tour de passe-passe médiatique incluant les prélèvements sociaux), a privé les finances publiques de milliards. Un rapport gouvernemental de 2023 estime la perte à plus de 4 milliards d’euros, rien que pour 2022, uniquement pour le remplacement de l’ISF. Au total, on parle de près de 8 milliards d’euros de cadeaux fiscaux annuels.

Pendant que les plus riches célébraient, le reste du pays recevait une autre nouvelle : une nouvelle taxe diesel, officiellement pour la transition écologique. Des mails secrets de 2016 révèlent que l’objectif réel était de financer… une baisse des cotisations patronales. Ce fut l’étincelle. Le mouvement des Gilets Jaunes, furieux de cette politique fiscale “pro-riche”, a déferlé sur Paris, tentant d’envahir l’Élysée. La République a tremblé. Au cœur du palais, la panique était telle qu’un hélicoptère se tenait prêt à exfiltrer le Président. La réponse fut une prime de fin d’année, demandée “aux employeurs qui le peuvent”. Les premiers à répondre ? Les milliardaires des médias, Patrick Drahi, Bernard Arnault, et Xavier Niel. Un simple retour sur investissement ?

Car le cœur de ce système, c’est le lien symbiotique entre le pouvoir politique et les magnats des médias. Une poignée d’hommes qui possèdent non seulement une fortune colossale, mais aussi les journaux et les chaînes de télévision qui font l’opinion.

Xavier Niel, propriétaire du groupe Le Monde et soutien de la première heure, est l’un des piliers de cet édifice. Leur amitié, scellée dans la Silicon Valley en 2014, dépasse le simple cadre personnel. En 2020, alors que Nice Matin est un enjeu stratégique pour le maire Christian Estrosi (rallié à Macron) face à Eric Ciotti, Xavier Niel rachète le quotidien. Un “service commandé” selon un spécialiste, que Niel n’a pas démenti. L’homme qui prétend que “l’investigation est le cœur du métier” aurait été cité en off disant : “Quand les journalistes m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix”. Plus récemment, Niel a racheté Bestimage, l’agence de Mimi Marchand, la “grande copine” du couple présidentiel, mettant la main sur tout le fond d’images… y compris celles qui ne sont pas parues. Une manière de contrôler l’image jusqu’au bout.

Ensuite, il y a Rodolphe Saadé, patron de la CMA CGM, mais aussi de BFM TV, RMC et La Provence. Son groupe de transport maritime a bénéficié d’une niche fiscale incroyable, lui permettant de ne payer que 2,7% d’impôts sur 45 milliards de profits réalisés entre 2020 et 2023. Un cadeau fiscal estimé à plus de 11 milliards de manque à gagner pour l’État, défendu bec et ongles par un lobbying intense. En retour, l’empire Saadé se montrerait-il “reconnaissant” ? L’incident de La Provence est édifiant. En mars 2024, le journal titre sur la visite de Macron à Marseille : “Il est parti, et nous, on est toujours là”. Une une jugée pertinente par les spécialistes, mais qui aurait provoqué la fureur de l’Élysée. Selon Blast, le Président aurait personnellement appelé Rodolphe Saadé pour s’en plaindre. La conséquence ? Le directeur de la rédaction, Aurélien Viers, est mis à pied. Il faudra une grève historique de la rédaction pour obtenir sa réintégration.

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Mais le “sponsor” en chef du couple présidentiel reste Bernard Arnault, empereur du luxe (LVMH), propriétaire des Échos et du Parisien. Les liens ici sont intimes. Brigitte Macron fut la professeure des enfants Arnault. Delphine Arnault, fille de Bernard et épouse de Xavier Niel, a fait de la Première Dame une égérie LVMH, lui prêtant des tenues à 3000€ pièce. Plus encore, LVMH finance massivement “Live”, l’association d’écoles privées présidée par Brigitte Macron. Un mélange des genres “proprement fou”.

Le groupe LVMH sert aussi de point de chute pour les conseillers présidentiels en difficulté. Ismaël Emelien, pris dans l’affaire Benalla, est récupéré comme “conseiller environnement”. En retour, l’homme le plus riche de France bénéficie d’une oreille attentive, voire d’un bras armé. L’affaire Tiffany est un cas d’école. En 2020, Bernard Arnault veut renégocier à la baisse son rachat du joaillier américain, mais le contrat est verrouillé. Il obtient alors l’impensable : une lettre du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, invoquant un cas de force majeure lié aux intérêts nationaux pour lui permettre de casser le deal. L’État français s’est mêlé d’une opération boursière privée qui n’avait rien à voir avec la souveraineté française. Résultat : Arnault rachètera Tiffany 425 millions de dollars moins cher. Quelques mois plus tard, c’est un Emmanuel Macron tout sourire qui inaugurera la Samaritaine.

En contrepartie, les médias d’Arnault jouent leur rôle. Lors de la révolte des retraites, Le Parisien titre non pas sur la colère ou le passage en force, mais sur les “usagers du métro” pénalisés par la grève, ou “Le gouvernement joue la sécurité” lors du 49.3. Une ligne si pro-Macron qu’elle a poussé la rédaction à se mobiliser.

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Si Arnault, Niel et Saadé représentent la garde rapprochée, un “pacte” plus cynique encore aurait été scellé avec l’ennemi d’hier : Vincent Bolloré. L’homme qui mène un “combat civilisationnel” via CNews et C8, et qui a fait du JDD un tract d’extrême droite. L’Élysée, craignant cette puissance de feu, aurait trouvé un arrangement. En 2021, Bolloré cherche à vendre son empire logistique en Afrique, empêtré dans des affaires de corruption. MSC, la compagnie des cousins d’Alexis Kohler, le bras droit de Macron, lui fait une offre qui ne se refuse pas : 5,7 milliards d’euros, soit presque trois fois l’estimation pré-Covid.

À partir de là, tout change. Un pacte de non-agression serait passé. L’Élysée aurait même facilité l’accès de Paris Match au roi Charles III. En retour, les ministres macronistes, qui évitaient le JDD “façon Lejeune”, s’y précipitent désormais. Emmanuel Macron lui-même s’y confie. Le coup de grâce ? Le limogeage de la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, qui avait osé rappeler que les chaînes de Bolloré devaient “respecter la loi” et risquaient de perdre leurs fréquences. Elle est remplacée par Rachida Dati.

Le braquage est complet. Une élite politique qui offre des milliards en cadeaux fiscaux et en contrats préférentiels à une élite économique. Cette dernière, en retour, met ses médias – grassement subventionnés par les aides à la presse, payées par le contribuable – au service du pouvoir, étouffant la critique et protégeant le Président. Loin de l’esprit des Lumières et de la défense des libertés, c’est un nouvel humanisme qui se dessine : celui d’un monde où les milliardaires sont protégés, et les opposants, qu’ils soient journalistes ou gilets jaunes, sont neutralisés. La France est-elle encore une démocratie, ou est-elle devenue une entreprise gérée par un conseil d’administration d’oligarques ?