Le maire de Marseille et des députés de gauche réclament la grâce présidentielle pour un rescapé de la rue d’Aubagne

Reda M., qui vivait au numéro 65 de la rue d’Aubagne, n’a pu y réchapper que grâce à ses horaires de travail et à son départ très matinal de son domicile.

L’un des rescapés de la rue d’Aubagne, Reda M., un ressortissant Tunisien de 52 ans, a été expulsé la semaine dernière. Le collectif du 5-novembre demande la grâce présidentielle pour cette partie civile au procès, une requête à laquelle s’associent le maire de Marseille et des parlementaires des Bouches-du-Rhône.

Le drame de la rue d’Aubagne du 5-novembre 2018, continue, même sept années après, à drainer du malheur dans son sillage. Cette fois, le sort s’acharne sur Reda M., 52 ans, ressortissant tunisien et habitant du 65, rue d’Aubagne jusqu’au matin des effondrements et reconnu victime par le tribunal en 2023.

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C’est une histoire qui défie l’entendement et ravive les plaies encore ouvertes de Marseille. Près de sept ans après le drame de la rue d’Aubagne, où l’effondrement de deux immeubles avait coûté la vie à huit personnes et révélé au grand jour le scandale du logement indigne, une nouvelle affaire secoue la cité phocéenne. Un rescapé de la catastrophe, reconnu comme victime et partie civile, a été expulsé de France, le privant de fait de sa capacité à assister au procès en appel.

Face à ce que beaucoup qualifient de “double peine”, le “Collectif du 5 novembre”, figure de la lutte pour la justice dans ce dossier, a pris une décision radicale : demander solennellement la grâce présidentielle à Emmanuel Macron.

L’homme au cœur de cette situation kafkaïenne se nomme Réda M. Le 5 novembre 2018, il habitait au 65 rue d’Aubagne, l’un des deux bâtiments qui s’est effondré comme un château de cartes. Il a survécu au drame, mais comme tous les habitants de ces immeubles de la honte, il a tout perdu ce jour-là. Reconnu comme victime, il s’est constitué partie civile dans le long combat judiciaire qui a suivi, espérant obtenir justice et réparation pour le traumatisme subi.

Mais la machine administrative en a décidé autrement. Le 5 septembre 2025, lors d’un simple contrôle d’identité, Réda M. est interpellé. La raison : une condamnation datant de 2023 pour un délit mineur. En vertu de cette condamnation, il est placé en centre de rétention administrative. Moins de deux mois plus tard, le 25 octobre 2025, la sentence tombe : il est expulsé par avion vers la Tunisie.

L’expulsion a provoqué la stupeur et la colère du “Collectif du 5 novembre” et des proches des victimes. Car cette décision administrative n’est pas sans conséquence : elle empêche purement et simplement Réda M. de participer au procès en appel, qui doit se tenir prochainement. Il est une victime privée de son propre procès.

Dans un communiqué empreint d’émotion et de colère, le collectif, qui porte la voix des familles endeuillées et des rescapés depuis 2018, s’est dit “atterré” par cette décision. C’est dans ce contexte d’urgence qu’ils ont décidé d’adresser une lettre ouverte au Président de la République.

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“Nous nous adressons aujourd’hui à M. le Président de la République, Emmanuel Macron, pour lui demander solennellement une grâce au vu de la situation exceptionnelle de Réda M.”, écrit le collectif. Cet appel n’est pas seulement juridique, il est profondément humain. Les membres du collectif invoquent “l’importance du respect de toutes les victimes de la rue d’Aubagne”, “la réparation morale” de la ville de Marseille et, plus simplement, “le simple devoir d’humanité”.

Pour les soutiens de Réda M., cette expulsion est un symbole tragique de l’indifférence administrative face à un drame humain. Ils rappellent que cet homme n’est pas un inconnu, mais une des figures de la tragédie qui a secoué la France entière. Le fait qu’il ne puisse pas être présent à l’audience, pour témoigner, pour entendre la justice, et pour tenter de se reconstruire, est vécu comme une injustice supplémentaire, une insulte à la mémoire des huit personnes décédées.

Le drame de la rue d’Aubagne n’a jamais été un simple fait divers. Il est devenu l’emblème d’une crise du logement, de la négligence des pouvoirs publics et de la cupidité des marchands de sommeil. Le procès qui en a découlé est scruté par toute la ville, chaque étape étant un moment de vérité attendu par des centaines de familles. Priver l’une des victimes de ce moment essentiel est, pour le collectif, “inconcevable”.

La demande de grâce présidentielle est une procédure exceptionnelle, souvent réservée à des cas d’une gravité ou d’une symbolique particulière. En l’utilisant, le “Collectif du 5 novembre” place Emmanuel Macron face à ses responsabilités : celle de choisir entre l’application stricte d’une décision administrative et un geste d’humanité pour un homme déjà brisé par la négligence qui a conduit au drame de 2018.

La balle est désormais dans le camp de l’Élysée. Marseille, une nouvelle fois meurtrie par l’écho de cette tragédie, retient son souffle, espérant que la voix d’un rescapé, même exilé de force, soit enfin entendue.