Bourvil : ses terribles derniers mois face à la maladie
Il y a 50 ans disparaissait Bourvil. Peu après sa mort, Match avait publié un longue enquête sur les terribles derniers mois de sa vie, face à la maladie… Avec Rétro Match, suivez l’actualité à travers les archives de Paris Match.
Été 1967. Bourvil tourne «Les Cracks» d’Alex Joffé. Il est Jules, l’inventeur endetté d’une bicyclette révolutionnaire, poursuivi par les huissiers. Sur le tournage, la comédie manque de virer au drame, quand l’acteur finit sa course à vélo dans le fossé. Plus de peur qu’autre chose ; mais le mal viendra après. Deux ans plus tard, Bourvil se fait ausculter pour de vives douleurs qu’il pense être des séquelles de l’accident. On lui diagnostique un cancer de la moelle osseuse.
Il va d’abord taire sa maladie, de peur que les assureurs ne soutiennent plus ses films. Entre «L’Étalon» de Mocky et «Le mur de l’Atlantique» de Camus, André Bourvil tourne «Le Cercle rouge» de Melville, son premier rôle dramatique. La vraie tragédie, pourtant, se joue en coulisse. Il enchaîne les tournages malgré la douleur et l’épuisement. Un véritable martyre, que Paris Match avait retracé dans une longue enquête, publiée quelques semaines après sa disparition, survenue le 23 septembre 1970, il y a 50 ans.
Voici le reportage consacré aux derniers mois de Bourvil, tel que publié dans Paris Match en 1970…
Bourvil, sa longue bataille contre la mort
Par François Caviglioli (Enquête Florence Portes, Jean Durieux, Denis Jeanbar)
Sur les écrans viennent de sortir les deux derniers films de Bourvil : « le Mur de l’Atlantique » et « le Cercle rouge » qui connaît un triomphe et qui nous révèle un ultime et nouvel André Bourvil. Pour tourner ces deux oeuvres, Bourvil a dû subir un véritable martyre. Et c’est cette lente agonie, jusqu’à ce jour tenue secrète, et que nous avons pu reconstituer grâce à une minutieuse enquête.

15 août 1967. Des coureurs de la Belle Epoque s’apprêtent à prendre le départ sur la route corniche de l’Ardèche, près d’Aubenas. Au fond du précipice, la rivière asséchée par l’été n’est plus qu’un mince filet. Le plateau ardéchois brûlé par le soleil sent la lavande, la lentisque et le thym. Un peu à l’écart, un coureur semble se recueillir. Il porte une casquette et une culotte noires, il est cintré dans un beau maillot jaune barré du nom de sa marque, la Gauloise. Il a le nez un peu tordu, le visage bosselé. C’est Bourvil.
Alex Joffé va donner le premier tour de manivelle de son film Les Cracks. C’est l’histoire d’un inventeur de génie qui a inventé une bicyclette révolutionnaire et qui veut gagner la course Paris-Côte d’Azur pour échapper aux poursuites d’un huissier, Robert Hirsch, tout de noir vêtu. Il est 8 heures du matin. Le soleil est déjà chaud. Le |premier plan est dangereux et difficile. Un triporteur, conduit par Monique Tarbes, doit « coller » à Bourvil, en pleine course. Joffé tourne une Ipremière fois, mais n’est pas satisfait. Il crie : « Ça ne va pas assez vite, le triporteur ne suit pas le vélo d’assez près. Il faut remettre ça. » Il explique à Monique Tarbes : « Tu dois coller à la roue de Bourvil. » On remet ça. « Je colle à la roue, je colle à la roue, plus vite, il faut que j’aille plus vite. » L’actrice s’en souvient encore comme d’un cauchemar…
Soudain, tout va très vite. Bourvil pédale, pédale à en perdre le souffle, lorsque le triporteur s’emballe. Sa roue avant touche la roue arrière du vélo. Monique Tarbès freine à mort, mais la machine ne s’arrête pas. Bourvil tombe dans le fossé et le triporteur vient se coincer au-dessus de lui, comme un pont. C’est ce qui l’a sauvé. Bourvil rampe, se dégage de la ferraille. Il reste un moment étourdi. Autour de lui, les cyclistes du film, avec leurs moustaches et leurs caleçons longs ; Monique Tarbès, avec sa jupe de toile bleue, son châle noir, ses bottines, son chignon et ses guiches. Tout le monde est silencieux : « J’ai presque rien, juste un peu mal à la jambe, dit Bourvil. Allons les enfants. » Et il enfourche sa bicyclette, il repart, en bon ouvrier du spectacle, qui a accepté les risques en choisissant le métier. *
C’est ce jour-là que la mort approche Bourvil pour la première fois. Cet accident a d’abord failli lui coûter la vie. Mais, alors qu’il remonte en selle pour peiner à nouveau sur la route écrasée de soleil, il ne sait pas que cette chute va déclencher le processus du mal qui va le tuer lentement. Cette douleur à la jambe ne s’arrêtera jamais. Elle va gagner le dos et le thorax. Dès septembre, ses souffrances l’obligeront à des massages, à des bains prolongés. Bourvil croit à des rhumatismes, à des courbatures, à des coliques néphrétiques. Il s’était toujours imaginé qu’en soignant son corps, on pouvait se préserver très longtemps de la mort. « Je veux faire un beau vieillard », répétait-il. Il faisait 6 ou 7 kilomètres de footing par jour, il suivait des régimes, il s’astreignait à des séances quotidiennes de culture physique. Il s’entretenait. Après trente ans de spectacle, il croyait encore au bien et au mal : si on se conduit bien, on est récompensé. On vit très vieux, on n’est jamais malade. Bourvil n’était pas croyant, mais il pensait qu’il y avait, quelque part, un grand comptable qui notait sur son livre les bonnes et les mauvaises actions et qui distribuait, en retour, la maladie ou la santé. Bourvil avait droit à la santé.


Février 1969. Bourvil tourne L’Arbre de Noël au château d’Hérode, près de Nice. Une grande bâtisse en pierre rose, au milieu d’un parc de chênes verts. Il souffre tellement que les femmes de chambre de l’hôtel Négresco doivent placer des planches de bois dans son lit pour qu’il puisse dormir. Quelquefois, il passe des nuits entières assis devant sa coiffeuse de bois clair, la tête dans ses mains. Dans le parc du château, il est obligé de se reposer de longs moments à califourchon sur sa chaise. Terence Young, le metteur en scène, s’inquiète.
« J’ai mal au dos, répond Bourvil. C’est à cause de ma chute de bicyclette dans les Cracks. Depuis, j’ai un lumbago. » Bourvil le croit encore. Ou plutôt, il se raccroche à cette explication rassurante en refoulant ses doutes. Mais le 5 mars, un médecin niçois de la clinique Saint-François conseille à Terence Young d’arrêter le tournage. Le jour même, à Paris, un homme saute dans l’avion de Nice. C’est Bourgeois, le représentant de la compagnie d’assurances. Un torse de lutteur dans un complet bleu-marine croisé, des cheveux bruns, des petits yeux rapprochés. Pour lui, la maladie, l’angoisse, la mort sont des chiffres. Pourtant, en arrivant à Nice, il dit à Terence Young : « Il faut terminer le film. Nous vous soutenons. Si vous vous arrêtez, Bourvil se sentira condamné. C’est impossible de lui faire ça. »
13 mars 1969. L’auditorium des studios de Boulogne, avec ses murs blancs, ses fauteuils gris, ses micros installés sur des perches. Gérard Oury, de Funès et Rioul, l’ingénieur du son, bavardent à mi-voix. C’est l’équipe du Cerveau. On attend Bourvil pour la post synchronisation. Il est en retard, pour la première fois. Et lorsqu’il arrive, c’est pour dire avec un sourire, d’une voix que personne J ne lui connaît : « Ze m’excuse, ze ne Pourrai pas doubler aujourd’hui, ze me suis mordu la langue. » Tout le monde éclate de rire. Les comiques font toujours rire lorsqu’ils annoncent leur propre mort. Bourvil est atteint d’une paralysie de la langue qui le fait zézayer.
Et il le sait. Le tournage de L’Arbre de Noël a été interrompu pour lui permettre de consulter des médecins. Et c’est, pendant ce mois de mars, l’horrible tournée des professeurs où le malade scrute le visage des praticiens, guette leurs paroles et, plus encore, leurs silences. Un jour, dans le cabinet d’un professeur, avec Jeanne, sa femme. Le médecin dit brutalement : « Si vous continuez à travailler, vous en avez pour quinze jours. » Bourvil se lève, mais il est obligé de se cramponner au bureau. Ses genoux s’entrechoquent. « J’ai compris, dira-t-il plus tard, ce que signifie l’expression : « Les jambes se dérobent. »

L’enfer dans les souterrains de Curie
La Fondation Curie. Un immense hôpital-caserne, rue d’Ulm, à Paris. Des portes vitrées, quelques marches, et c’est comme si on entrait dans l’autre monde. Des gens attendent, par dizaines, sur des chaises en skaï. De temps en temps, une infirmière surgit derrière une porte de verre. Elle appelle des numéros, les malades passent, l’un derrière l’autre, le visage souvent altéré par la peur. Au fond du hall, à droite, un escalier. Il descend au premier sous-sol, dans le service de Radiothérapie A – Service du professeur Auguste Ennuyer. Des couloirs gris, des lumières encastrées dans le plafond, de larges plaques d’aluminium sur les portes. Rien pour accrocher le regard, pour faire oublier l’angoisse : c’est là qu’au mois de mars 1969, André Bourvil vient consulter. « Je vis entrer dans mon cabinet un homme simple, terriblement gentil, qui s’interrogeait avec sérieux sur les causes de son mal, raconte le docteur V… D’emblée, Bourvil s’est présenté comme quelqu’un d’extraordinairement confiant. On avait l’impression qu’il ne doutait pas qu’on allait le guérir. » Il venait chercher la guérison comme le salaire de sa vie tranquille, sans excès et sans ombre.
Les premières radios sont catastrophiques. On décèle, d’abord, un trou à la base du crâne, à L’endroit où émerge le nerf de la langue. Le docteur V… lui a fait aussitôt faire d’autres radios osseuses. On découvre que la onzième côte gauche, ainsi qu’une vertèbre, sont déjà complètement rongées. Le docteur V… établit son diagnostic : c’est un myélome, une tumeur cancéreuse qui se développe aux dépens du tissu médullaire osseux. Cette forme de cancer peut attaquer n’importe quel point du squelette, bras, jambes, crâne. Elle est parfois décelable grâce à des boursouflures qui se manifestent au niveau de la partie osseuse atteinte. (Ce n’était pas, à l’époque, le cas de Bourvil). Elle s’accompagne de violentes douleurs. Le degré de malignité des myélomes dépend de l’importance de la localisation. Plus le myélome est généralisé, plus faibles sont les chances de survie.
Bourvil subit encore, à la Fondation Curie, des ponctions de la moelle, des ponctions sternales, des analyses de protides. Puis il regagne Nice. Ces trois semaines d’interruption ont coûté aux assurances 180 millions. Au Négresco, on l’installe au 525, une chambre sur cour très modeste : deux lits jumeaux, avec des couvre-lits vert d’eau, une coiffeuse, une commode, une armoire vitrée à trois battants. Depuis vingt ans qu’il vient au Négresco, on lui fait toujours le lit à l’italienne, c’est-à-dire en rapprochant les deux sommiers par une planche. Cette fois-ci, à la demande de la direction, une planche supplémentaire a été ajoutée au dispositif. Quand Bourvil s’en aperçoit, il éclate de rire et dit à Rosette, la femme de chambre, une petite brune en uniforme bleu et en tablier blanc : « Qui vous a dit de mettre ça ? Enlevez-moi ça tout de suite, .le n’ai rien du tout. »
Pourtant, dès ce moment-là, Bourvil descend tous les jours à Saint-François (façade blanche, volets bleus, géraniums, escalier de mosaïque entre des murs peints en rouge), une clinique ultra moderne située au bout d’un chemin planté d’eucalyptus, un peu en dehors du boulevard Pasteur, dans le haut de Nice. C’est le chauffeur de la production qui le conduit. Bourvil porte alors une grosse canadienne, une casquette et sifflotte des airs de ses vieilles chansons, confortablement installé sur les banquettes bleues d’une vieille D.S. Après l’enfer qu’il a connu dans les souterrains de la Fondation Curie, Bourvil, toujours certain de guérir, reconstitue son univers familier, fait d’une paix simple et souriante.
Mais bientôt l’équipe du film doit remonter à Paris. Pour être plus près des médecins. Un soir, dans un studio de Boulogne, alors que Bourvil se tient un peu à l’écart, Jeanne Vitta, la script s’approche de lui. C’est une grosse femme à cheveux poivre et sel, couPés courts. Ma sœur avait mal au dos et dans la nuque, comme vous, lui dit-elle. Bourvil demande vivement. — Qu’est-elle devenue ? — Elle est morte. Bourvil pâlit et s’éloigne, sans un mot.
Il ne tarde pas à retrouver le cauchemar des souterrains d’hôpital. Cette fois, c’est à la clinique Hartman, à Neuilly. La façade est couverte de vigne-vierge, mais c’est au sous-sol que le docteur V… reçoit à nouveau Bourvil, dans une petite pièce Ijeinte en gris et vert. L’acteur se déshabille, se couche sur un chariot qu’on pousse sous un container de un mètre de long en forme de haricot. C’est la bombe au cobalt. Les rayons s’échappent par un tube qui ressemble à un entonnoir dont la pointe est tournée vers le patient. Un rayon permet de régler la machine pour qu’elle puisse irradier exactement au point choisi, marqué d’une croix au crayon sur le corps du malade.
Premières séances, il reprend confiance
Le traitement donne des résultats rapides. Dès les premières séances, les douleurs commencent à disparaître. Bourvil reprend confiance. Nouveau diagnostic du docteur V… : Bourvil est peutêtre atteint d’un « réticulosarcome » généralisé. C’est une maladie incurable dans l’état actuel de la science. « On ne dit la vérité au malade, dit le docteur V…, que s’il veut absolument la connaître. Je n’ai pas caché à Bourvil que son état était sérieux, sans lui donner des explications qu’il ne demandait pas. »
Juin 1969. Bourvil est aux commandes d’une énorme tondeuse à gazon. Torse nu, bronzé, il a l’air éclatant de santé dans son vieux pantalon de jardinier et ses sabots. C’est ainsi que Jean-Pierre Mocky le trouve, devant la maison de Mortainville. Malgré ses fausses pierres de taille et son toit métallique, cette maison est la fierté de Bourvil, avec sa pelouse plantée de rosiers et de petits sapins et son verger en pente où s’alignent pommiers et poiriers.
Jean-Pierre Mocky vient proposer à Bourvil le scénario de l’Etalon. Bourvil descend de sa machine, et les deux hommes se dirigent vers la maison. Jean-Pierre Mocky, vêtu d’un pantalon noir et d’une chemise rouge, raconte son film en faisant de grands gestes. Il s’agit d’un médecin un peu fou qui veut libérer la jeunesse des contraintes sexuelles imposées par la société. Il propose la formation d’un corps d’étalons destiné à satisfaire les besoins des épouses délaissées, en mal d’amour, sous le contrôle de la Sécurité sociale : « Œuvre de salubrité publique », dit Mocky.
Bourvil a déjà tourné cinq films sous la direction de Jean-Pierre Mocky. Bizarrement, les deux homines, le metteur en scène libertaire et le paysan normand, s’entendent à merveille : tous les personnages proposés par Mocky ont séduit Bourvil : un bigot qui vole dans les troncs des églises (Un drôle de paroissien), un policier qui refuse d’arrêter les coupables (la Grande Frousse), un professeur qui veut éliminer la télévision (la Grande Lessive). Bourvil aime les rôles qui ne lui ressemblent pas, qui jurent avec son physique. Il accepte avec enthousiasme de tourner l’Étalon et porte le scénario à Prives, son imprésario.
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