Kendji Girac : La blessure secrète de l’illettrisme qui a forgé son plus grand combat

Derrière le sourire éclatant, la guitare en bandoulière et une voix qui a conquis des millions de Français, se cache une histoire plus intime, une vulnérabilité que peu de gens soupçonnaient. Kendji Girac, l’idole de toute une génération, le vainqueur charismatique de “The Voice”, n’est pas seulement l’artiste aux disques de platine. Il est aussi un homme personnellement touché par une blessure invisible mais profonde : l’illettrisme. Aujourd’hui, en tant que jeune père aux côtés de sa compagne Soraya, il a décidé de transformer cette fragilité en une force, en un combat public pour briser un tabou qui emprisonne encore des millions de personnes en France.

La Révélation d’une Faille Personnelle

Pour comprendre l’engagement de Kendji, il faut remonter aux racines de son parcours. Issu de la communauté des gens du voyage, le jeune Kendji Maillé a eu une scolarité itinérante, rythmée par les déplacements de sa famille. Une vie de liberté et de musique, mais aussi une vie où l’école n’était pas toujours la priorité absolue. S’il n’a jamais été complètement déscolarisé, il a lui-même confié avoir eu des “lacunes”, des difficultés avec la lecture et l’écriture qui auraient pu freiner son ascension fulgurante.

Dans l’univers impitoyable du show-business, où tout va très vite, ces difficultés se sont parfois rappelées à lui. Il a évoqué, avec une humilité désarmante, le défi que représentait la lecture des prompteurs lors de ses premières grandes émissions de télévision. Les mots défilaient trop vite, la pression montait. C’est dans ces moments de doute, loin des projecteurs, que le jeune artiste a dû puiser en lui une force nouvelle pour surmonter cet obstacle. “Ce n’est pas une honte d’avoir des lacunes”, a-t-il déclaré. “Le plus important, c’est d’en parler.” Cette phrase, simple et puissante, est devenue le mantra de son nouvel engagement.

Cette expérience personnelle, cette lutte discrète menée en coulisses, a forgé chez lui une empathie rare. Il sait ce que signifie la peur de ne pas comprendre, la gêne de demander de l’aide, le sentiment d’être différent. C’est cette connaissance intime du sujet qui rend son combat si authentique et si poignant.

Un Combat Amplifié par la Paternité

La naissance de sa fille, Eva Alba, en janvier 2021, a été un tournant majeur dans la vie et la carrière de Kendji Girac. Ce nouveau rôle de père a agi comme un puissant catalyseur, transformant ses préoccupations personnelles en une mission d’intérêt public. Devenir parent, c’est se projeter dans l’avenir, c’est vouloir offrir le meilleur à son enfant. Et pour Kendji, “le meilleur” passe inévitablement par la maîtrise des savoirs fondamentaux, par la capacité à lire les histoires qui feront rêver sa fille, à l’aider dans ses devoirs, à lui donner toutes les clés pour qu’elle puisse s’épanouir sans entraves.

Il imagine le monde à travers les yeux de sa “princesse” et refuse qu’elle, ou n’importe quel autre enfant, puisse un jour se sentir limité par des difficultés de lecture ou d’écriture. Son combat contre l’illettrisme est donc aussi une déclaration d’amour à sa fille. C’est une promesse de construire un monde où les mots sont des ponts et non des murs, des outils d’émancipation et non des chaînes. Cet engagement prend une dimension encore plus profonde, nourrie par l’amour inconditionnel d’un père pour son enfant.

De la Parole aux Actes : Un Engagement Concret

Conscient de l’écho que sa voix peut avoir, Kendji Girac a décidé de ne plus se contenter de simples confidences. Il est passé à l’action. Son engagement le plus visible est son rôle de parrain pour l’émission “J’ai pas les mots – 8 semaines pour sortir de l’illettrisme”, un programme audacieux diffusé sur France 2. Dans cette émission, il accompagne sept adultes courageux qui ont décidé de retourner sur les bancs de l’école pour réapprendre à lire, écrire et compter.

Son rôle n’est pas celui d’un simple ambassadeur distant. Il est présent, il partage son histoire, il encourage, il motive. Il se reconnaît dans leurs doutes et célèbre leurs victoires. “Si je peux leur faire part de mon histoire pour qu’ils se sentent bien, alors je suis là, pour avancer avec eux”, explique-t-il. En prêtant son image à cette cause, il offre une visibilité sans précédent à un problème de société souvent caché et stigmatisé.

Avant cela, il avait déjà exploré ce thème à travers la fiction, en interprétant le rôle principal dans le téléfilm “Champion”. Il y incarnait Zack, un jeune menuisier passionné par la boxe, cachant son illettrisme à son entourage. Un rôle de composition qui résonnait profondément avec sa propre histoire, lui permettant d’explorer et d’exprimer les émotions complexes liées à ce handicap invisible.

Briser le Tabou d’un Fléau National

L’engagement de Kendji Girac est d’autant plus crucial que l’illettrisme est un fléau silencieux qui ronge la société française. Selon les chiffres officiels, plus de 2,5 millions de personnes, soit 7% de la population adulte âgée de 18 à 65 ans et ayant été scolarisée en France, sont en situation d’illettrisme. Ce sont des hommes et des femmes qui peinent à comprendre un courrier administratif, à lire une ordonnance médicale, à suivre la scolarité de leurs enfants ou simplement à lire un livre. C’est un facteur majeur d’exclusion sociale et de précarité professionnelle.

En osant parler, Kendji Girac fait plus que partager une histoire personnelle. Il déstigmatise. Il dit à des millions de personnes qu’elles ne sont pas seules et qu’il n’y a aucune honte à avoir. Sa popularité, notamment auprès des jeunes et des milieux populaires, lui permet de toucher un public que les campagnes de sensibilisation traditionnelles ont parfois du mal à atteindre. Il humanise le problème, lui donne un visage familier et bienveillant, et encourage ceux qui souffrent en silence à franchir le pas et à demander de l’aide.

Le parcours de Kendji Girac est une source d’inspiration. C’est la preuve que la réussite n’efface pas les failles, mais qu’elle peut donner la force de les affronter et de les transformer en un message d’espoir universel. Le jeune homme de Bergerac, devenu une star nationale, nous rappelle qu’avant d’être un artiste, il est un homme, un père, avec ses doutes et ses combats. Et c’est peut-être dans cette authenticité que réside le secret de son incroyable succès et de sa connexion si forte avec le public français.