À Calais, le monde du vélo en deuil prévoit déjà les hommages à Cindy Morvan

Le monde du cyclisme s’est réveillé sous le choc samedi matin après la disparition de Cindy Morvan, tuée chez elle vendredi à Calais. Son club, l’Union Vélo Club de Calais, dans lequel elle était hautement investie tout comme elle l’était à l’échelle régionale et nationale, a déjà prévu de lui rendre hommage le 11 novembre.

Cindy Morvan a été tuée vendredi soir chez elle à Calais par une femme qui s’est donné la mort ensuite. PHOTO FACEBOOK

Son engagement pour le vélo se poursuivait aussi dans sa vie professionnelle en tant que chargée des mobilités douces à la Communauté de communes de la région d’Audruicq. Depuis ce lundi, dans l’accueil de la maison intercommunale, un registre de condoléances est à la disposition de toutes celles et ceux qui souhaitent adresser un message de soutien à sa famille et à ses proches.

Un silence de plomb s’est abattu sur les routes de la Côte d’Opale. Les pelotons habituellement joyeux et bruyants qui sillonnent le littoral le dimanche matin sont devenus des ombres silencieuses. Calais est en deuil. Le “monde du vélo”, cette communauté soudée par les kilomètres, l’effort partagé et les amitiés forgées sur la selle, pleure l’une des siennes. Cindy Morvan, 24 ans, figure lumineuse et moteur de son club local, n’est plus.

Sa disparition n’est pas seulement une tragédie ; c’est une déflagration. Une injustice qui laisse ses amis, sa famille et ses compagnons de route “anéantis”, un mot qui revient en boucle dans toutes les conversations. Face à l’horreur des circonstances de sa mort, qui ont plongé ses proches dans un cauchemar (une autopsie ayant révélé une vérité bien plus sombre qu’un simple accident), la communauté cycliste refuse de laisser la tristesse l’emporter.

Aujourd’hui, le deuil se mêle à la colère. Et de ce mélange amer naît une volonté farouche : celle de lui rendre hommage. Pas un adieu murmuré, mais un salut puissant, à l’image de l’énergie qu’elle dégageait.

Celle qui donnait le tempo

Pour comprendre l’ampleur du choc à Calais, il faut comprendre qui était Cindy Morvan pour le “monde du vélo”. Elle n’était pas qu’une simple licenciée au Vélo Club Calaisien (VCC). Elle était, selon les mots de son président, “le moteur et le sourire du groupe”.

“Cindy, c’était le soleil de nos sorties”, confie, la voix brisée, Marc L., un membre du club qui roulait avec elle tous les week-ends. “Elle était toujours la première à proposer une nouvelle route, à encourager ceux qui étaient à la traîne dans les côtes. Elle avait cette capacité incroyable à rendre une sortie de 80 kilomètres sous la pluie amusante. C’est impensable de se dire qu’elle ne sera plus là, à côté de nous, à plaisanter.”

Passionnée de cyclisme sur route mais aussi de gravel, Cindy incarnait cette nouvelle génération de sportifs pour qui le vélo est plus qu’un sport : c’est un mode de vie. Une quête de liberté, d’air frais, d’amitié. Ses réseaux sociaux, aujourd’hui silencieux, débordent de photos de paysages capturés à l’aube, de vélos posés contre un muret en pierre, de selfies de groupe où son rire semble traverser l’écran.

“Elle nous a été arrachée de la manière la plus brutale qui soit”, lâche Sandrine, son amie et binôme de vélo. “Elle qui aimait tant la vie, la liberté… sa mort est l’antithèse de tout ce qu’elle était. Nous sommes dévastés, mais nous lui devons de nous relever. Nous lui devons de rouler.”

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Une communauté sous le choc

La nouvelle de sa mort a frappé le club comme un coup de foudre. D’abord, l’incrédulité. Puis, lorsque les rumeurs ont laissé place aux faits – et aux circonstances tragiques révélées par l’enquête – ce fut l’effondrement.

“La conversation de groupe sur WhatsApp est devenue silencieuse pendant des heures”, raconte Marc. “Personne ne savait quoi dire. On passe de ‘Qui est dispo pour une sortie samedi ?’ à ‘Comment allons-nous survivre à ça ?’. C’est un cauchemar.”

Cette communauté, c’est une famille. On partage plus que des routes. On partage les coups durs de la vie, les célébrations, les doutes. Perdre l’un des siens de cette façon, c’est comme perdre une sœur. La douleur est exacerbée par l’injustice. “Ce n’est pas un accident de la route, ce n’est pas une maladie. C’est quelque chose qu’on ne peut pas comprendre, qu’on ne peut pas accepter”, martèle le président du club.

La riposte du cœur : Les hommages en préparation

Dans le brouillard du chagrin, une lumière a pourtant jailli. Celle de l’action. Le “monde du vélo” calaisien ne restera pas prostré. Très vite, l’idée de “faire quelque chose pour Cindy” s’est imposée.

“Nous ne pouvons pas laisser le silence gagner. Nous devons faire du bruit pour elle. Un bruit de roues, un bruit de cœur”, explique Sandrine, qui participe activement à l’organisation des hommages.

Plusieurs initiatives sont déjà en cours de discussion et devraient être finalisées dans les jours à venir, en accord avec la famille, aujourd’hui murée dans une douleur que personne ne peut mesurer.

1. La “Randonnée Blanche” C’est l’hommage le plus probable et le plus symbolique. Le club prévoit d’organiser une grande “randonnée blanche”. Le concept est simple et puissant : des centaines de cyclistes, tous vêtus de blanc ou d’un maillot du club, rouleront en cortège silencieux à travers la ville. Le parcours emprunterait les routes que Cindy aimait tant, celles où son rire résonnait.

“Ce sera un moment de recueillement, mais aussi une démonstration de force”, précise Marc. “Nous voulons montrer que nous sommes unis, que nous sommes là pour sa famille, et que nous n’oublierons jamais Cindy.” Des fleurs seront probablement déposées à un endroit symbolique.

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2. Le “Vélo Fantôme” (Ghost Bike) La question d’un mémorial permanent est aussi posée. La communauté internationale des cyclistes utilise souvent le “vélo fantôme” – un vélo entièrement peint en blanc, cadenassé sur le lieu d’un drame – pour marquer le souvenir d’un cycliste disparu. Bien que la mort de Cindy ne soit pas liée à un accident de la circulation, l’idée de placer un vélo blanc, orné de fleurs et d’une plaque, dans un lieu qu’elle chérissait, fait son chemin. Ce serait un rappel permanent de sa présence.

3. Une cagnotte et un soutien à la famille Au-delà du symbole, le club se mobilise concrètement. Une cagnotte a été évoquée, non seulement pour aider la famille à traverser l’épreuve financière qui s’ajoute au drame (frais d’obsèques, avocats), mais aussi pour financer une œuvre caritative au nom de Cindy. “Elle qui était si généreuse, nous voulons que sa générosité lui survive”, explique un membre.

“Nous roulerons pour elle”

La prochaine sortie du club sera la plus dure de leur vie. La place de Cindy dans le peloton sera vide. Son vélo, un magnifique vélo de route qu’elle chérissait, restera au garage.

“Comment allons-nous faire ?”, s’interroge Marc, les larmes aux yeux. “Je pense que nous allons rouler, et nous allons pleurer. Nous allons monter les côtes en pensant à sa force, et nous allons sprinter sur le plat en pensant à son énergie. Désormais, chaque coup de pédale sera pour elle.”

À Calais, le “monde du vélo” est anéanti, mais il n’est pas détruit. Il est en deuil, mais il est debout. Les hommages qui se préparent ne seront pas seulement un adieu. Ils seront une promesse : celle de continuer à célébrer la vie, la liberté et l’amitié sur deux roues. Exactement comme Cindy Morvan l’aurait voulu.