« Je ne veux pas mourir en colère » : les mots bouleversants de Tchéky Karyo avant le cancer fatal

Il y a des phrases qui traversent le temps, comme des échos suspendus entre la vie et la mort. Celle de Tchéky Karyo, prononcée quelques semaines avant son départ, en fait partie. « Je ne veux pas mourir en colère. » Des mots simples, presque anodins, mais d’une puissance bouleversante. Car derrière cette déclaration, il y avait tout : la lucidité d’un homme qui savait, la tendresse d’un père, la paix d’un artiste ayant fait le tour du monde et le tour de lui-même.

Selon ses proches, Tchéky Karyo avait appris sa rechute au printemps 2025. Un cancer qu’il pensait maîtrisé revenait, plus silencieux, plus insidieux. Il aurait pu se révolter, crier, accuser le destin. Mais il a choisi une autre voie : celle du pardon et de la douceur. « Il disait souvent que la colère est une forme de peur, et qu’il ne voulait pas que sa dernière émotion soit la peur », confie un ami de longue date.

Dans sa maison du Sud, entre les oliviers et la mer, l’acteur avait peu à peu accepté ce qu’il appelait “le grand passage”. Il continuait d’écrire, de chanter, de jouer de la guitare. Ses voisins le voyaient encore marcher le matin, lentement, un chapeau sur la tête, un carnet dans la main. « Il parlait de la mort comme d’une amie qu’il fallait accueillir à bras ouverts », raconte un proche collaborateur. « Ce n’était pas de la résignation, mais une forme de sérénité rare. »

Cette phrase — “Je ne veux pas mourir en colère” — il l’aurait prononcée un soir de juillet, à Valérie Kéruzoré, sa compagne depuis plus de vingt ans. La scène, racontée par un membre de la famille, est d’une beauté simple : le coucher du soleil sur la terrasse, les cigales, la lumière dorée sur les pierres. « Il m’a pris la main, il m’a dit qu’il voulait que tout soit en paix, que personne ne garde de rancune envers lui. »

Tchéky Karyo brise le silence sur sa vie de famille avec sa jeune femme,  actrice d'une série culte, et leurs deux enfants - PurepeopleTchéky Karyo n’était pas un homme de demi-mesures. Dans sa vie comme dans ses rôles, il allait au bout des émotions, avec cette intensité presque sauvage qui fascinait les réalisateurs. Mais derrière la force, il y avait une profonde humanité. Il avait connu les blessures, les échecs, les absences. Il avait parfois été dur, parfois exigeant. Et cette phrase, « Je ne veux pas mourir en colère », semblait aussi une manière de se réconcilier avec ses propres fantômes.

Au fil des jours, son entourage a vu un homme se dépouiller du superflu. Il a écrit des lettres, appelé des amis de longue date, renoué avec certains qu’il n’avait pas vus depuis des années. Il parlait peu de sa maladie, mais beaucoup de la paix intérieure. « Il disait que mourir en paix, c’était son dernier rôle », se souvient un technicien de cinéma qu’il appréciait. « Un rôle qu’on ne répète pas, qu’on joue une seule fois, sans artifice. »

Pour Valérie, sa compagne, cette période a été à la fois une épreuve et un cadeau. « Il m’a appris à ne pas avoir peur de la fin », dira-t-elle plus tard. « Il m’a montré qu’on pouvait mourir sans haine, sans colère, avec gratitude. » Ensemble, ils ont partagé ces derniers mois dans une bulle hors du temps. Les rires de leur fille Louise, les soirées d’été, les chansons improvisées à la guitare. « Il voulait que la maison reste pleine de vie, pas de larmes », ajoute-t-elle.

Dans ses carnets retrouvés après sa mort, plusieurs phrases témoignent de cette paix recherchée :

« La colère est un luxe qu’on ne peut pas s’offrir quand on sait que le temps est compté. »
« Je veux partir comme j’ai vécu : en aimant. »

Ces mots résonnent aujourd’hui comme un testament moral, presque spirituel. Pour Tchéky Karyo, la mort n’était pas un effacement, mais une transformation. Il parlait souvent de lumière, de continuité, d’âme. Il croyait que chaque regard, chaque geste d’amour laissé sur terre prolongeait notre présence.

Emporté par un cancer », l'acteur français Tchéky Karyo est mort à 72 ans -  La Voix du Nord

Ses amis racontent qu’il avait demandé que sa cérémonie ne soit pas une messe de chagrin, mais une fête. « J’ai eu une belle vie, disait-il. Je veux que vous l’honoriez en dansant. » Et le jour de ses obsèques, c’est exactement ce qui s’est passé : un concert improvisé, des chansons qu’il aimait, des rires mêlés aux larmes.

Aujourd’hui encore, ceux qui l’ont connu disent qu’ils entendent sa voix dans le vent. Une voix calme, grave, posée, comme dans ses rôles. Une voix qui semble répéter : « Ne perdez pas de temps à être en colère. Aimez, pardonnez, vivez. »

La phrase “Je ne veux pas mourir en colère” est devenue bien plus qu’une confidence personnelle. Elle incarne une philosophie, une invitation à la réconciliation. Elle résume le dernier voyage d’un homme qui, après avoir tout joué, a compris que le plus grand rôle était celui du pardon.

Et peut-être est-ce là le véritable héritage de Tchéky Karyo : rappeler à chacun que la vie est trop courte pour les rancunes, que la beauté réside dans le lâcher-prise. Il est parti comme il l’avait souhaité — sans colère, sans bruit, entouré d’amour.