Danielle Darrieux : l’adieu paisible d’une icône éternelle du cinéma français

C’est une page d’or du cinéma français qui se tourne. Danielle Darrieux, l’une des figures les plus lumineuses et les plus élégantes du septième art, s’est éteinte paisiblement, selon les mots de son compagnon, « dans ses bras, après une dernière nuit douce et sereine ». À quatre-vingt-dix-neuf ans, l’actrice, qui aura traversé presque un siècle de cinéma, laisse derrière elle une empreinte indélébile dans le cœur du public et dans la mémoire collective de la France.

Son compagnon, profondément ému, a révélé que l’état de santé de l’actrice s’était « un peu dégradé ces derniers jours », après une petite chute à son domicile. Rien, pourtant, ne laissait présager un départ aussi soudain. « Elle était encore pleine d’humour, de malice, et me parlait de ses souvenirs de tournage avec un éclat dans les yeux », confie-t-il. « Puis, elle s’est endormie paisiblement, sans souffrance, comme si elle partait pour un dernier tournage, celui de l’éternité. »

Danielle Darrieux, c’était la grâce à la française incarnée. Née en 1917 à Bordeaux, elle débute au cinéma à l’âge de quatorze ans dans Le Bal. Très vite, son charme, son intelligence et cette voix douce et légèrement voilée la distinguent des autres jeunes actrices. Dans les années 1930 et 1940, elle devient l’une des vedettes les plus recherchées, enchaînant les rôles avec une aisance déconcertante. Son visage angélique et son regard à la fois tendre et perçant séduisent le public comme les réalisateurs.

Mais derrière l’image de la star se cachait une femme d’une profondeur rare. Perfectionniste, passionnée, curieuse, Danielle Darrieux abordait chaque rôle avec un mélange de rigueur et de légèreté. Elle pouvait passer d’un film dramatique à une comédie musicale avec la même sincérité. Des chefs-d’œuvre comme Madame de… de Max Ophüls ou Le Rouge et le Noir de Claude Autant-Lara témoignent de son talent protéiforme.

Durant l’Occupation, sa carrière avait été interrompue par des circonstances complexes, mais elle sut revenir sur le devant de la scène sans jamais perdre la confiance du public. « Ce qui m’a sauvée, c’est de n’avoir jamais menti à mon public », disait-elle souvent. Et en effet, c’est cette sincérité qui fit d’elle non seulement une actrice adorée, mais une femme respectée.

Jusqu’à un âge avancé, Danielle Darrieux continua à tourner, à chanter, à jouer. Elle refusait l’idée de retraite. « Le cinéma, c’est ma maison, ma famille », affirmait-elle. Et même quand sa santé commençait à décliner, elle gardait ce sourire espiègle et cette élégance naturelle qui la rendaient si unique.

Son compagnon raconte que, malgré la fatigue, elle continuait à regarder de vieux films chaque soir. « Elle riait encore devant 8 femmes », se souvient-il, évoquant le film de François Ozon dans lequel elle partageait l’écran avec Catherine Deneuve et Isabelle Huppert. « Elle disait qu’elle ne se reconnaissait plus vraiment, mais qu’elle aimait cette idée d’être entourée de femmes fortes et brillantes. »

Dans sa maison de Normandie, Danielle Darrieux vivait entourée de souvenirs : des photos de tournages, des lettres de fans, des récompenses, mais aussi des fleurs fraîches qu’elle aimait disposer dans chaque pièce. « Elle disait souvent que les fleurs, c’est comme le cinéma : elles ne durent qu’un instant, mais leur beauté reste dans la mémoire », confie encore son compagnon.

La France entière lui rend aujourd’hui hommage. De nombreuses personnalités du monde du cinéma ont exprimé leur émotion. Catherine Deneuve a salué « une reine de l’écran, une amie et une inspiration ». Le réalisateur François Ozon a écrit sur les réseaux sociaux : « Danielle incarnait tout ce que le cinéma français a de plus noble : la légèreté, la profondeur, et la pudeur. »

Les fans, eux, partagent depuis ce matin des extraits de ses films sur les réseaux sociaux, rappelant combien sa voix, ses regards, ses gestes ont marqué des générations entières. Beaucoup évoquent Madame de… comme l’un des plus beaux rôles féminins du cinéma mondial, symbole d’un amour impossible et d’une élégance sans âge.

Les obsèques de l’actrice se dérouleront dans la plus stricte intimité, conformément à ses volontés. Elle souhaitait un adieu simple, « sans larmes inutiles », comme elle l’avait confié à ses proches. « J’ai eu une vie magnifique, pleine de cinéma, pleine d’amour. Que demander de plus ? », disait-elle encore récemment.

À travers les décennies, Danielle Darrieux aura incarné bien plus qu’une actrice : une certaine idée de la France, une alliance rare de beauté et d’intelligence, de douceur et de force. Son départ laisse un vide immense, mais son sourire, lui, restera gravé à jamais dans les mémoires.

Ce soir, dans les salles obscures et sur les écrans du monde entier, on reverra sans doute son visage, cette lumière unique qui traversait chaque plan. Et quelque part, dans le silence feutré d’une salle de projection, on se dira que Danielle Darrieux n’est pas vraiment partie. Elle s’est simplement endormie dans la lumière du projecteur, là où les étoiles ne s’éteignent jamais.