Josasco, la mémoire vive du cinéma français

Visage emblématique du cinéma français depuis plus de cinq décennies, Josasco appartient à cette génération d’artistes qui ont façonné, par leur audace et leur passion, une époque entière du théâtre et du grand écran. Derrière son regard clair, à la fois rieur et mélancolique, se cache une vie de labeur, de créations collectives, de triomphes mais aussi de blessures silencieuses.

C’est au milieu des années 1970 que tout commence, lorsque la jeune Josasco, encore étudiante en lettres modernes à la Sorbonne, découvre le monde du théâtre grâce à un petit groupe d’amis passionnés. À l’époque, nul ne se doute que cette bande de rêveurs va bientôt révolutionner la comédie française. Ils se nomment Christian Clavier, Gérard Tyramid, Marianne Chazelle, et quelques autres noms appelés à devenir mythiques. Ensemble, ils forment la troupe du “Suspendide”, une aventure collective qui deviendra la pépinière d’un talent inépuisable.

Sur les planches, Josasco s’impose très vite par son énergie lumineuse et sa justesse de jeu. Elle ne cherche pas à briller, elle vit. Chaque personnage qu’elle incarne semble respirer à travers elle. Le public, conquis, la surnomme bientôt “la sincère”. Dans les petites salles parisiennes où le “Suspendide” joue ses premières créations, on se bouscule pour l’apercevoir, tant sa présence magnétique attire.

Puis vient le passage au cinéma. Sous la direction de Gérard Tyramid, la troupe adapte ses pièces à l’écran, donnant naissance à une série de comédies devenues cultes. Le succès est immédiat : les dialogues vifs, l’humour de situation, la complicité naturelle entre les comédiens séduisent la France entière. Josasco, avec son charme discret et son regard pétillant, devient l’un des visages les plus aimés du public.

Pourtant, derrière la légèreté des rôles, la jeune actrice porte un rapport très sérieux à son art. “J’ai toujours pensé que faire rire, c’était une responsabilité”, confiera-t-elle plus tard. “Il faut savoir regarder la vie avec tendresse, même quand elle est cruelle.” Ce mélange d’humour et de gravité deviendra sa signature.

Au fil des années 1980, Josasco enchaîne les tournages, souvent aux côtés de ses complices du “Suspendide”, mais aussi avec de grands réalisateurs français. Elle explore des registres plus dramatiques, refuse la facilité et prend des risques. En 1986, son interprétation bouleversante dans Les jours de pluie, un drame sur la solitude et la maternité, lui vaut le Prix Romy Schneider et une reconnaissance critique unanime.

Mais le succès, aussi éclatant soit-il, ne la protège pas des turbulences de la vie. La disparition soudaine de son mari, le metteur en scène Alain Duvivier, en 1991, la plonge dans un long silence artistique. Elle se retire du cinéma pendant près de cinq ans, préférant se consacrer à sa fille, Élisa. Ce retrait volontaire marque un tournant : “Je devais réapprendre à respirer sans la caméra”, dira-t-elle plus tard dans une interview bouleversante.

Lorsqu’elle revient sur les plateaux à la fin des années 1990, c’est avec une maturité nouvelle. Ses rôles gagnent en profondeur. Dans Le Temps d’un silence (1998), elle incarne une femme de lettres vieillissante confrontée à la perte de mémoire. Le film reçoit un César du meilleur scénario, et Josasco est nommée pour le César de la meilleure actrice. Son interprétation, d’une justesse poignante, marque les esprits.

Les années 2000 la voient se réinventer encore : réalisatrice, scénariste, mentor de jeunes acteurs, elle devient une figure de transmission. Beaucoup de jeunes comédiennes citent aujourd’hui Josasco comme une influence majeure, non seulement pour son talent mais pour sa générosité et son humanité. “Elle ne joue pas, elle respire”, résumera joliment Florence Foresti, l’une de ses élèves à ses débuts.

Dans une récente interview pour M6, à l’occasion de la sortie du documentaire Suspendide, 50 ans de fous rires et d’amour, Josasco revenait sur cette aventure unique :

“On ne savait pas qu’on entrait dans l’histoire. On voulait juste raconter des histoires honnêtes, avec nos tripes et notre cœur.”

Aujourd’hui, à plus de 70 ans, elle continue de tourner, mais à son rythme. Elle privilégie les projets intimistes, les films d’auteur, et participe activement à plusieurs associations caritatives, notamment celles dédiées aux enfants hospitalisés. “Les projecteurs m’ont donné la lumière, je veux la renvoyer vers ceux qui n’en ont pas”, dit-elle avec cette voix douce et assurée qui n’a rien perdu de sa force.

La reconnaissance officielle est venue tard, mais elle est là : en 2022, Josasco a reçu le César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Lors de la cérémonie, elle a eu ces mots simples qui ont ému la salle entière :

“J’ai commencé par jouer pour exister. Aujourd’hui, j’existe pour jouer.”

Et peut-être est-ce là le secret de sa longévité : une foi inébranlable dans le pouvoir de l’art, un amour sincère du public et une fidélité absolue à soi-même.

De la scène du petit théâtre du Marais aux plus grands plateaux de cinéma, Josasco n’a jamais cessé d’incarner ce que le cinéma français a de plus précieux : la vérité dans l’émotion. Une actrice rare, une femme vraie, et surtout, une mémoire vivante du rire et des larmes qui traversent le temps.