Rock en Seine 2025 : qui est Kneecap, le trio irlandais au centre de la plus grosse polémique de l’histoire du festival ?

Le groupe de rap, réputé pour ses shows survoltés et ses prises de position propalestiennes, jouera ce dimanche à Rock en Seine, où sa présence est maintenue malgré les appels au boycott.


Le groupe propalestinien (ici lors du festival Cabaret Vert, à Charleville-Mezieres, le 17 août) s’est engagé à ne pas tenir de propos polémiques lors du festival. AFP/François Nascimbeni

Un groupe de rap irlandais programmé sur la troisième scène qui provoque la plus grosse polémique de l’histoire de Rock en Seine ? Incroyable mais vrai. Le trio de Belfast Kneecap, connu jusqu’alors dans son pays et des fans de hip-hop, est au cœur de tensions inédites entre le festival, la ville de Saint-Cloud qui accueille et soutient l’événement, le conseil régional d’Île-de-France qui le subventionne et le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a demandé à la police d’être très attentive à leurs expressions lors du concert qu’ils donneront ce dimanche à 18h25 et a menacé d’attaquer au moindre débordement.

Que leur reprochent ces politiques, tous marqués à droite ? De faire « l’apologie du terrorisme » et l’objet de poursuites judiciaires pour « infraction terroriste » outre-Manche après avoir porté lors d’un concert à Londres en 2024 un drapeau du Hezbollah et crié « vive le Hamas, vive le Hezbollah ». Le maire de Saint-Cloud leur reproche aussi d’avoir appelé à tuer un « tory » (un député conservateur britannique) lors d’un show. Ils s’en sont excusés depuis.

Pas du goût du Crif

Les organisateurs de Rock en Seine (le groupe français Combat fondé par Matthieu Pigasse et le géant du spectacle AEG) refusant de déprogrammer le groupe, « au nom de la liberté de création et d’expression », le maire de Saint-Cloud a annulé sa subvention de 40 000 euros en juillet et la région Ile-de-France a annoncé qu’elle ne verserait pas les aides prévues, soit 295 000 euros de subventions. Une première.

« En maintenant les Kneecap, les organisateurs transforment Rock en Seine en festival de la honte, a accusé le président du Crif (le conseil représentatif des institutions juives de France), Yonathan Arfi, jeudi dans un communiqué. Ils profanent la mémoire des 50 Français victimes du Hamas le 7 octobre comme de toutes les victimes françaises du Hezbollah, dont les 58 soldats français morts le 23 octobre 1983 lors de l’attentat du Drakkar, à Beyrouth. »

Kneecap signifie « rotule » en anglais. Un terme de sinistre mémoire en Irlande du Nord qui rappelle une torture consistant à briser les genoux des prisonniers… Mo Chara, Moglai Bap et DJ Provai ont inauguré leur trio lors d’une improvisation en 2017, dans un pub de Belfast. Depuis, ces trois rejetons de la classe ouvrière, âgés de 27 à 35 ans, rappent en anglais et en gaélique et ont un tel succès dans leur pays qu’ils font remonter l’apprentissage de leur langue ancestrale chez les jeunes.

« Si tu grandis à Belfast, tu ne peux pas faire semblant »

Sur une musique survoltée mariant rap, électro et punk, ils racontent avec humour leur quotidien mais portent aussi des messages très subversifs et politiques sur les combats des Nord-Irlandais et des Palestiniens, qui sont selon eux très proches. « Si tu grandis à Belfast, tu ne peux pas faire semblant. La politique et l’histoire sont partout autour de nous », explique Moglai Bap dans ses interviews. « La propagande contre nous est la même que celle contre le mouvement palestinien, estime-t-il. Ils veulent nous faire paraître petits. »

Kneecap n’a donné que trois concerts en France, devant une poignée de fans au Pop-up du Label à Paris, en novembre 2023, dans le cadre du Pitchfork Festival, puis en juillet dernier aux Eurockéennes et en août au Cabaret Vert. Les deux festivals se sont déroulés sans anicroche. « Le groupe et son management avaient pris des engagements qu’ils ont tenus et leur concert devant 8 000 personnes a été excellent, l’un des meilleurs de cette édition », se réjouit Julien Sauvage, le patron du Cabaret Vert.

Les organisateurs de Rock en Seine ont reçu les mêmes promesses. Ce qui est certain, c’est que les Irlandais vont jouer devant beaucoup plus de monde que prévu et que la petite scène du Bosquet risque d’être prise d’assaut. Car toutes ces polémiques ainsi que leur explosif premier film éponyme ont fait grossir leur notoriété en France et leur ont valu énormément d’appuis d’artistes, de la Norvégienne Aurora à l’Américain Marc Rebillet, qui ont clamé sur scène leur soutien au peuple palestinien. Kneecap devrait d’ailleurs annoncer ce dimanche sur scène plusieurs dates dans des salles parisiennes.