“Patrick Bruel révèle un étonnant secret sur ‘Le prénom’ : ‘C’est le seul film que je regarde comme si je ne jouais pas dedans !’”

“Le miroir du prénom : Patrick Bruel face à son double à l’écran”

Par Charles Van Dievort

Il y a des films qu’on oublie dès le générique. D’autres qui restent comme des tatouages. Et puis il y a Le Prénom.
Un film qui, pour Patrick Bruel, est plus qu’un succès. C’est un révélateur. Un miroir étrange, presque troublant.

« C’est le seul film que je regarde comme si je ne jouais pas dedans. »

Quand il prononce cette phrase, les yeux légèrement plissés, la voix grave, on comprend qu’on touche là quelque chose de personnel. D’intime. D’invisible.

Patriiiiick ! Encore et toujours

En 2024, Patrick Bruel est partout. Encore.

Des salles combles. Des cris. Des mains levées. Une tournée qui parcourt la France, la Belgique, et au-delà. Trois dates à Forest National, toutes complètes avant même que la neige de janvier ne fonde.

Il a 65 ans. Mais l’énergie d’un homme de 30. Et le regard d’un adolescent qui n’en revient toujours pas.

Mais ce 22 décembre, il n’est pas sur scène. Il est à la télévision. Une soirée entière lui est consacrée sur La Une. Un marathon. Un hommage. Un festin.

Et au cœur de cette soirée : Le Prénom.

Le film comme un fantôme

Sorti en 2012, Le Prénom est devenu culte. Une pièce de théâtre filmée avec une précision chirurgicale. Des dialogues acérés. Un dîner qui vire au carnage verbal. Une guerre de mots, de non-dits, de secrets.

Et Patrick, dans le rôle de Vincent, l’arrogant, le provocateur, le frère, l’ami, le père en devenir.

Mais aujourd’hui, plus de dix ans plus tard, ce n’est plus seulement un rôle pour lui. C’est un prisme à travers lequel il se regarde.

« Il ne se passe pas 48 heures sans que quelqu’un ne m’en parle. »

Le film ne vieillit pas. Comme lui, il traverse les années sans prendre une ride. Parce qu’il parle de nous. De famille. D’égo. D’amour et de colère. De ces choses qui nous lient, qui nous déchirent, et qu’on ne dit qu’en hurlant.

Bruel ou Vincent ?

Lorsqu’il le revoit, Patrick le dit : il oublie qu’il joue dedans. Comme si ce n’était pas lui. Comme si Vincent existait ailleurs. Un double, une version alternative.

Et peut-être est-ce ça, le vrai talent d’un acteur : disparaître au point de se surprendre lui-même.

Mais il y a un paradoxe. Car dans Le Prénom, beaucoup voient du Bruel. Son charme. Son autorité. Son art de parler vite, de tenir une pièce entière sur ses épaules.

Et pourtant, lui s’en détache. Il redécouvre le film à chaque visionnage. Comme un spectateur ordinaire. Et cela en dit long sur ce qu’il met dans ses rôles : une part de lui qu’il libère, qu’il abandonne presque.

L’intelligence du cruel

Le film, selon lui, est « très intelligent, très drôle, suffisamment cruel ».

Et c’est peut-être là que réside son génie. Dans ce mélange instable de rires et de malaises. D’humour cinglant et de vérités dérangeantes. Dans cette manière de faire rire tout en creusant un peu plus profondément dans nos failles.

À travers Le Prénom, Bruel révèle ce qu’il est aussi dans la vie : un homme qui n’a pas peur du conflit, mais qui le transforme en art. En musique. En mots.

Le poids d’un prénom

Un prénom, c’est l’origine. C’est l’étiquette que l’on porte sans l’avoir choisie. Et dans le film, c’est le point de départ de l’explosion. Vincent veut appeler son fils Adolphe. Et tout bascule.

Mais dans la vraie vie, Patrick Bruel, né Benguigui, sait aussi ce que signifie porter un nom qu’on change. Une identité qu’on ajuste. Une image qu’on maîtrise.

Et peut-être que c’est ce qui rend son lien avec Le Prénom si intense : il sait ce que les noms cachent. Il sait que derrière les apparences, les familles, les blagues et les cris, il y a des blessures plus anciennes.

Une soirée, un héritage

Ce 22 décembre, des milliers de téléspectateurs se rassemblent. Pour revoir Le Prénom. Pour écouter ses chansons. Pour revoir ses moments de télé, ses colères, ses rires, ses confessions.

Et pour Patrick, c’est plus qu’un hommage. C’est un miroir tendu à toute une génération.

Car il est de ceux que l’on suit depuis toujours. Il a chanté l’amour, la guerre, la peur, la joie. Il a joué des rôles qui nous ont fait réfléchir. Et il continue. Inlassablement.

Et maintenant ?

Quand on lui demande ce qu’il reste à faire, il sourit. Il ne répond pas toujours. Mais on devine qu’il a encore mille idées. Mille projets. Mille émotions à faire passer.

« Je ne m’arrête pas. Je m’ajuste. Je m’écoute. Et j’y vais. »

C’est cela, être Patrick Bruel. C’est ne jamais se contenter d’un prénom. C’est construire un nom. Un monde. Un espace où chacun peut trouver un bout de lui-même.

Et pendant ce temps-là, Le Prénom continue de tourner. Dans les salons, les cinémas, les mémoires.
Et Patrick, lui, regarde.
Comme si ce n’était pas lui.
Mais un autre.
Et peut-être est-ce là son plus beau rôle.