“đź’” Alain Delon, dernier monstre sacrĂ© du cinĂ©ma français, s’éteint Ă  jamais, laissant derrière lui un hĂ©ritage inĂ©galĂ© : des films cultes, une carrière lĂ©gendaire et une aura qui a marquĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations. La France entière pleure la disparition de cette icĂ´ne, symbole d’élĂ©gance, de talent et de glamour Ă©ternel.”

Il fascinait et divisait Ă  la fois. IcĂ´ne du cinĂ©ma mondial, acteur instinctif Ă  la beautĂ© incandescente, mais aussi rĂ©ac assumĂ© Ă  l’ego Ă©norme, Alain Delon s’est Ă©teint dimanche Ă  l’âge de 88 ans. Dès l’annonce de sa disparition, le monde du cinĂ©ma lui a rendu un vibrant hommage.

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“Alain-Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que [son chien] Loubo, ont l’immense chagrin d’annoncer le dĂ©part de leur père. Il s’est Ă©teint sereinement dans sa maison de Douchy, entourĂ© de ses trois enfants et des siens”, affirment-ils d’une mĂŞme voix, tournant le dos Ă  des mois de bisbilles par mĂ©dias et justice interposĂ©s quant au sort de la star, affaiblie par la maladie. .

Rarissime au cinĂ©ma depuis la fin des annĂ©es 1990, Alain Delon avait fait les gros titres Ă  l’Ă©tĂ© 2023 quand ses trois enfants avaient portĂ© plainte contre sa dame de compagnie – parfois dĂ©crite comme sa compagne –, suspectant un abus de faiblesse. Avant de se mener une bataille quant Ă  la santĂ© de l’acteur, affaibli par un AVC en 2019.

L’acteur français Alain Delon le 19 mai 2019 au Festival de Cannes avant de se voir remettre une Palme d’or d’honneur. © Christophe Simon, AFP

Quelques jours auparavant, en mai 2019, il Ă©tait revenu goĂ»ter aux lumières du tapis rouge cannois pour recevoir une Palme d’or d’honneur, entre larmes et discours aux accents testamentaires : “C’est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant”, avait dĂ©clarĂ© l’acteur.

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“Je vais partir, mais je ne partirai pas sans vous remercier”, avait ajoutĂ© celui qui a vĂ©cu ses dernières annĂ©es dans sa propriĂ©tĂ© de Douchy (Loiret), ceinte de hauts murs et dans laquelle il prĂ©voyait de longue date de se faire enterrer, non loin de ses chiens.

“Alain est dans une solitude profonde, choisie, dans un autre monde, dans le passĂ© avec des ĂŞtres qu’il a aimĂ©s très fort […]. Son mal-ĂŞtre a toujours Ă©tĂ© prĂ©sent”, disait en 2015 Ă  l’AFP son ancienne compagne, Mireille Darc, avant les 80 ans de la star.

Photomontage réalisé le 4 avril 2024 et montrant Alain Delon et ses trois enfants, de gauche à droite : Alain-Fabien Anouchka et Anthony. © Valery Hache, Yohan Bonnet, Ian Langsdon, AFP

“Le meilleur et le pire, Ă  la fois inaccessible et si proche, froid et brĂ»lant”, rĂ©sumait Brigitte Bardot pour les 80 ans de l’acteur.

“C’est plus beau Ă  regarder qu’une belle femme”

Loin des acteurs cĂ©rĂ©braux, Alain Delon Ă©tait un instinctif de gĂ©nie. Il s’enorgueillissait de n’avoir jamais travaillĂ© sa technique et s’appuyait sur son charisme, mĂ©lange unique de beautĂ© incandescente et de froideur cassante.

“C’est pas un acteur normal, Alain Delon. C’est un objet de dĂ©sir. Il n’est mĂŞme pas ni sexy, ni masculin, ni fĂ©minin : c’est une beautĂ© infernale”, soulignait le comĂ©dien Vincent Lindon en 2012 dans le documentaire “Revolvers”.

“Moi, je peux regarder des photos d’Alain Delon des heures et des heures, ajoutait-il. C’est ce qu’il y a de plus beau Ă  voir au monde, Alain Delon. Tout est parfait. C’est plus beau Ă  regarder qu’une belle femme.”

Cette matière Ă©tait de l’or pour les cinĂ©astes et nombre de ses films sont des monuments du septième art. Parmi eux, “Plein soleil” (1960), de RenĂ© ClĂ©ment, qui lui donne une aura internationale, “Rocco et ses frères” (1960) et “Le GuĂ©pard” (1963), de l’Italien Luchino Visconti, ou “La Piscine” (1969), de Jacques Deray.

Dans ce film, Alain Delon joue aux côtés de celle avec qui il formait quelques années auparavant le plus glamour des couples, Romy Schneider.

Le cinĂ©aste le plus important dans sa carrière est Jean-Pierre Melville, qui le dirige dans deux chefs d’Ĺ“uvre, “Le SamouraĂŻ” (1967) et “Le Cercle rouge” (1970), avant “Un flic” en 1972.

Romy Schneider et Alain Delon le 20 mars 1959 à Munich, en Allemagne. © EPU / AFP

Ces rĂ´les dĂ©finissent le mythe Delon, qu’il exploitera dans de nombreux autres polars par la suite : l’homme d’honneur viril et taiseux, obligĂ© de se battre seul contre des forces qui le dĂ©passent.

Ce personnage archĂ©typal inspirera des rĂ©alisateurs du monde entier, comme le Hong-Kongais John Woo ou l’AmĂ©ricain Quentin Tarantino, alors mĂŞme que le Français n’a jamais percĂ© à Hollywood.

De rivalitĂ© en rares collaborations (“Borsalino” en 1970 et “Une chance sur deux” en 1998), la carrière de Delon se construit parallèlement Ă  celle d’un autre monstre sacrĂ©, son ami Jean-Paul Belmondo.

“Lui et moi, c’est le jour et la nuit”, Ă©crivait “BĂ©bel” dans un livre de souvenirs en 2016. Belmondo, c’est le fils de bourgeois Ă  la gouaille de Gavroche quand Delon est un enfant du peuple Ă  l’allure hiĂ©ratique.

Mais si l’acteur Delon Ă©tait unanimement admirĂ©, l’homme a souvent Ă©tĂ© critiquĂ© et jugĂ© antipathique.

Proche de Jean-Marie Le Pen

Certains lui ont reprochĂ© ses prises de position, en faveur de son ami, le leader d’extrĂŞme droite Jean-Marie Le Pen, pour la peine de mort ou contre l’homosexualitĂ©, qu’il avait qualifiĂ©e de “contre-nature”.

Son retour Ă  Cannes, en mai 2019, avait d’ailleurs Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© d’une polĂ©mique, des fĂ©ministes contestant l’honneur fait Ă  Alain Delon.

Cet homme de droite revendiqué, nostalgique des années De Gaulle, était aussi moqué pour son ego et son habitude de parler de lui à la troisième personne.

Hommages du monde du cinéma

Thierry FrĂ©maux, dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral du Festival de Cannes, a saluĂ© “une filmographie Ă©blouissante et une trace ineffaçable”. “C’est avec la mĂŞme tristesse que celle ressentie par les cinĂ©philes du monde entier que nous avons appris la disparition d’Alain Delon. Il incarnait le cinĂ©ma français bien au-delĂ  des frontières, il fut l’image des Trente Glorieuses triomphantes, il Ă©tait de ces personnalitĂ©s qui s’adressaient conjointement au grand public comme aux spĂ©cialistes, Ĺ“uvrant pour le cinĂ©ma commercial comme pour le cinĂ©ma d’auteur”, a dĂ©clarĂ© Thierry FrĂ©maux Ă  l’AFP.

L’acadĂ©mie des CĂ©sar a saluĂ© une “une icĂ´ne Ă©ternelle du septième art, l’incarnation du cinĂ©ma français Ă  l’international”.

Le directeur de la Mostra de Venise a saluĂ© celui qui est montĂ© Ă  “l’Olympe des immortels”. “Alain Delon a rĂ©ussi lĂ  oĂą le plus grand nombre de ses collègues ont Ă©choué : ĂŞtre considĂ©rĂ© comme le plus bel homme du monde et en mĂŞme temps un acteur extraordinaire. S’il quitte aujourd’hui sa dĂ©pouille mortelle, c’est pour monter Ă  l’Olympe des immortels dont nous nous souviendrons Ă  jamais”, a dĂ©clarĂ© Alberto Barbera dans un communiquĂ©.

“Le bal est fini. Tancredi s’en est allĂ© danser avec les Ă©toiles”, a rĂ©agi auprès de l’AFP Claudia Cardinale, sa partenaire dans “Le GuĂ©pard”. “On me demande de mettre des mots… mais la tristesse est beaucoup trop intense”, a-t-elle ajoutĂ©. “Per sempre tua [Ă  toi pour toujours], Angelica”, conclut l’actrice italienne, en signant du nom de son personnage dans le film.

Sur Instagram, Paul Belmondo, le fils de l’acteur Jean-Paul Belmondo, a postĂ© une photo de son père aux cĂ´tĂ©s d’Alain Delon, accompagnĂ© d’un court message : “Alain, un jour vous m’avez dit que mon père vous manquait, aujourd’hui c’est vous qui allez nous manquer Ă©normĂ©ment.”

“Sa disparition creuse un vide abyssal que rien ni personne ne pourra combler”, a confiĂ© Ă  l’AFP Brigitte Bardot, autre icĂ´ne du cinĂ©ma français. L’actrice est “dĂ©vastĂ©e”, avait fait savoir plus tĂ´t sa fondation sur X.