Peut-on encore donner la vie en pleine urgence climatique ? Charlotte Meyer, brillante ingénieure de 32 ans, s’interroge. Face aux sécheresses, aux catastrophes, à la perte de biodiversité, elle hésite : faire un enfant serait-il un acte égoïste ou un geste d’espoir ? Alors que son entourage la presse de “fonder une famille”, elle entame un chemin intérieur bouleversant. Entre amour, lucidité et anxiété écologique, son dilemme est celui d’une génération entière. Ce témoignage intime soulève des questions vertigineuses que peu osent poser à voix haute. Cliquez sur le lien pour en savoir plus.

Charlotte Meyer a 32 ans. Elle vit à Lyon, travaille comme ingénieure dans les énergies renouvelables, milite dans une association de reforestation locale, et partage sa vie avec Adrien, photographe indépendant. Elle a tout pour être heureuse, diraient certains. Pourtant, depuis plusieurs mois, une question s’impose à elle comme une angoisse sourde : peut-elle, doit-elle, avoir un enfant ?

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Tout a commencé par une conversation en apparence banale. Un dîner entre amis, une remarque lancée à la légère : « Alors, c’est pour quand le bébé ? » Charlotte a souri, poliment. Mais au fond, une faille s’est ouverte. Car la vérité, c’est qu’elle y pense tous les jours. Et qu’elle n’a aucune réponse.

Depuis l’adolescence, elle est consciente de la crise climatique. Elle lit les rapports du GIEC, suit les chiffres de la fonte des glaces, s’informe sur la chute des insectes pollinisateurs, sur la montée des océans, sur la disparition des espèces. Elle connaît trop bien les projections. Elle sait qu’un enfant né aujourd’hui vivra l’âge adulte dans un monde de canicules, de conflits pour l’eau, de migrations massives. Elle sait que même dans un pays riche comme la France, la stabilité ne sera pas garantie. Elle sait. Et cela l’empêche de dormir.

Adrien, son compagnon, rêve de devenir père. Il parle souvent de leur futur enfant, imagine des prénoms, se voit déjà apprendre à faire du vélo ou lire des contes le soir. Il l’aime, la respecte, mais ne partage pas ses craintes dans la même mesure. « On trouvera des solutions », dit-il. « Il y a toujours eu des crises. L’humain s’adapte. » Charlotte l’écoute, en silence. Elle ne veut pas l’accuser d’insouciance, mais elle se sent parfois terriblement seule.

Autour d’elle, les injonctions sont nombreuses. Sa mère la presse : « Tu vas attendre quoi ? 40 ans ? » Ses amies, déjà mères, lui glissent : « Rien n’est jamais prêt, il faut se lancer. » Même ses collègues la regardent avec étonnement quand elle exprime ses doutes. Comme si elle était coupable de trop réfléchir. Comme si mettre un enfant au monde allait de soi.

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Mais pour Charlotte, rien ne va de soi. Chaque jour, elle voit les paradoxes. Elle installe des panneaux solaires sur des maisons luxueuses pendant que des quartiers entiers suffoquent sans arbres. Elle plante des arbres le week-end et voit en une nuit un incendie ravager des hectares. Elle trie, composte, boycotte l’avion. Et pourtant, elle sait que son empreinte écologique personnelle reste insignifiante face aux choix politiques globaux.

Alors un bébé ? Un bébé, c’est 58 tonnes de CO2 par an, selon certaines études. C’est une vie entière de consommation, de déchets, de besoins énergétiques. Peut-elle faire ce choix en toute conscience ? Ne serait-ce pas ajouter au problème ?

Mais il y a l’autre voix. Celle du désir. Celle du ventre qui palpite à l’idée d’un nourrisson. Celle qui se réveille quand elle voit Adrien jouer avec sa nièce. Celle qui imagine une fillette rousse courir pieds nus dans un jardin. Celle qui ne se nourrit ni de graphiques ni de conférences.

Charlotte vacille. Elle commence à écrire. Un journal de bord. Elle y consigne ses pensées, ses rêves, ses peurs. Elle consulte aussi des forums, découvre qu’elle n’est pas seule. Qu’un mouvement existe : les “Birth Strikers”, ces femmes qui renoncent à la maternité par choix politique. Elle lit aussi les critiques. Ceux qui les accusent de nihilisme, d’égoïsme, de pessimisme. Elle doute. Elle avance.

Un soir, elle en parle à Adrien. Vraiment. Longuement. Elle pleure. Il pleure. Ils ne trouvent pas de solution, mais ils se comprennent mieux. Ils décident d’attendre. De ne pas décider tout de suite. De continuer à vivre, à aimer, à agir. Ensemble.

Charlotte n’a pas tranché. Mais elle ne se sent plus coupable d’hésiter. Elle refuse les réponses toutes faites. Pour elle, le choix d’avoir un enfant est devenu un acte profondément politique, éthique et intime. Ce n’est plus une évidence. C’est une responsabilité immense.

Son témoignage, elle le partage aujourd’hui, parce qu’elle sait qu’elle n’est pas la seule. Parce qu’elle croit que cette question mérite d’être posée. Parce qu’elle pense que le doute est sain. Et parce que, peut-être, c’est aussi dans ces doutes que naîtra un espoir nouveau.