Pendant des années, Samuel Le Bihan a porté en lui une rage silencieuse : contre l’injustice, contre son passé, contre lui-même parfois. Acteur reconnu, père engagé, militant pour l’autisme, il semblait tout avoir. Et pourtant, la colère était là, tapie. Jusqu’au jour où il a décidé de lui dire stop. Comment se libère-t-on d’une émotion aussi envahissante ? Quelles blessures faut-il affronter ? Dans un récit intime, Samuel explore ses failles et ses forces, et ouvre un dialogue puissant avec ceux qui, comme lui, cherchent enfin à s’apaiser. Cliquez sur le lien pour en savoir plus.

Pendant longtemps, Samuel Le Bihan a cru que la colère faisait partie de lui. Il pensait qu’elle le rendait plus fort, plus vivant, plus vigilant face aux injustices du monde. Mais au fil des années, il a compris que cette émotion, si elle peut être une alerte, devient destructrice lorsqu’elle s’installe. Aujourd’hui, il ose poser cette question simple mais vertigineuse : et si j’arrêtais, enfin, d’être en colère ?

Il n’a jamais été un homme de demi-mesure. Dans ses rôles, on l’a souvent vu intense, rugueux, habité. Dans la vie, il est tout aussi entier. Père d’une fille autiste, engagé dans de multiples causes sociales, Samuel a souvent pris la parole, parfois avec véhémence. Mais derrière cette force apparente se cachait une tension intérieure permanente. « J’avais l’impression de devoir toujours me battre, contre tout. Même contre moi », confie-t-il.

Sa colère, il l’explique en partie par son histoire personnelle. Une enfance marquée par l’absence, des blessures mal digérées, un besoin constant de reconnaissance. « Quand on n’a pas eu certaines choses enfant, on croit qu’il faut les arracher au monde adulte. » Cette rage sourde, il l’a transformée en énergie pour travailler, jouer, convaincre. Mais à quel prix ?

Les signes d’épuisement ont commencé à apparaître il y a quelques années. Troubles du sommeil, fatigue chronique, relations tendues, sensation de vide même après les succès. « J’étais comme un guerrier qui ne savait plus pourquoi il combattait. » Il a alors entrepris un travail personnel. Thérapie, méditation, rencontres, lectures. Il s’est interrogé sur le sens de ses colères, sur ce qu’elles cachaient.

Et il a découvert que, souvent, derrière la colère, se trouvait une douleur non exprimée. Un besoin d’amour. De paix. D’écoute. « La colère, c’est parfois juste un cri qu’on n’a pas su formuler autrement. »

Ce chemin n’a rien eu de linéaire. Il y a eu des rechutes, des résistances. « On s’attache à nos colères comme à des vieilles armures. Même si elles sont lourdes, elles nous protègent. » Mais peu à peu, il a commencé à poser ses armes. À parler autrement. À respirer différemment. Il a appris à ne pas réagir dans l’instant, à différer, à comprendre. « J’ai compris que je pouvais choisir comment je voulais répondre au monde. »

Dans son engagement pour les enfants autistes, cette transformation a eu un impact profond. « On ne peut pas aider les autres si on est soi-même en guerre permanente. » Il raconte comment, en apprenant à écouter sa fille avec patience, il a aussi réappris à écouter ses propres besoins. « Elle m’a enseigné une forme de présence, de lenteur, qui m’a sauvé. »

Aujourd’hui, Samuel ne se dit pas guéri. « La colère fait partie de moi, je l’accueille, mais elle ne me gouverne plus. » Il continue de s’indigner, de lutter, mais avec d’autres outils. Il préfère le dialogue au conflit, la construction à la dénonciation. Il cherche moins à convaincre qu’à partager.

Ce changement intérieur s’est aussi reflété dans ses choix de rôles. Il s’éloigne peu à peu des personnages violents pour incarner des figures plus nuancées, plus humaines. « Je veux raconter des histoires où l’on répare, pas seulement où l’on détruit. »

Dans un monde de plus en plus tendu, où l’agressivité semble devenir un mode de communication, son témoignage résonne. Il montre qu’un autre rapport à soi et aux autres est possible. Qu’il ne s’agit pas de devenir passif ou indifférent, mais d’agir à partir d’un lieu plus calme.

Il s’adresse aussi à ceux qui, comme lui, ont cru longtemps que la colère était leur moteur. « On peut être fort sans être dur. On peut être engagé sans être agressif. »

Il parle avec simplicité, sans jargon. Pas de grandes leçons, juste des mots vrais. Il raconte les promenades solitaires, les silences, les moments de doute. Il parle des livres qui l’ont aidé, des amis qui l’ont soutenu. Il évoque les gestes simples qui l’ancrent au quotidien : marcher, cuisiner, écouter de la musique.

Samuel Le Bihan n’est pas devenu un moine zen. Il reste un homme de passion. Mais il a choisi de ne plus laisser sa colère décider à sa place. Et ce choix, il le revendique comme un acte de courage.

« Ce n’est pas facile de changer. C’est même effrayant. Mais c’est possible. Et ça en vaut la peine. »