Lundi 18 août 2025 restera une date sombre pour la communauté française du streaming. Ce jour-là, Raphaël Graven, plus connu sous le pseudonyme de Jean Pormanove, s’est effondré en plein direct sur la plateforme Kick, sous les yeux de milliers de spectateurs. Âgé de 46 ans, le streamer est décédé dans des circonstances dramatiques, alors qu’il participait à un live avec deux autres figures de la scène : Owen C., alias Naruto, et Safine H., alias Safine.

Les images, insoutenables, montrent un homme humilié, malmené, puis progressivement affaibli jusqu’à rendre son dernier souffle. Le parquet a immédiatement ouvert une enquête afin de déterminer si les violences psychologiques et physiques exercées sur lui sont liées à sa mort.

Mais au-delà de l’enquête judiciaire qui s’amorce, la disparition de Jean Pormanove soulève de multiples interrogations : comment a-t-on pu en arriver là, sous l’œil des caméras, sans que personne n’intervienne à temps ? Et surtout, pourquoi certains signaux d’alerte, visibles bien avant ce drame, ont-ils été ignorés ?

Un homme sous pression permanente

Raphaël Graven n’était pas un inconnu du milieu. Streamer depuis plusieurs années, il s’était fait un nom sous l’alias Jean Pormanove, un personnage souvent moqué mais paradoxalement très suivi. À 46 ans, il faisait figure d’« ancien » dans un univers dominé par des créateurs bien plus jeunes, dont Naruto (26 ans) et Safine (23 ans).

Les collaborations entre Pormanove et ces deux streamers étaient fréquentes, parfois volontairement provocatrices. Les séquences publiées en ligne témoignent d’une dynamique de groupe malsaine, où l’humour grinçant côtoyait les humiliations répétées. Beaucoup de spectateurs considéraient cela comme un « jeu », une mise en scène. Mais les vidéos, vues à nouveau aujourd’hui sous le prisme de sa mort, révèlent une tout autre réalité : un homme isolé, fragilisé, pris dans une spirale destructrice.

Une mort en direct qui choque la toile

Le soir du 18 août, les internautes qui suivaient le live sur Kick n’en croyaient pas leurs yeux. Au départ, les échanges semblaient habituels : plaisanteries lourdes, piques blessantes, un Pormanove mis au défi en permanence. Puis, progressivement, le ton a changé. Humilié, visiblement à bout, l’homme s’est affaissé et n’a plus donné signe de vie.

La séquence a immédiatement déclenché une vague de sidération et de colère sur les réseaux sociaux. Beaucoup dénoncent aujourd’hui une forme de « télé-réalité morbide » où la souffrance humaine est devenue un spectacle.

La défense de Naruto

Face à l’ampleur de l’affaire, Naruto a choisi de ne pas s’exprimer directement. C’est son avocat, Me Yassin Sadouni, qui a pris la parole dans les colonnes du Monde. « Nous attendons les résultats de l’enquête visant à déterminer l’ensemble des conditions de la mort de ‘JP’ et à identifier les responsabilités de chacun », a-t-il déclaré, rappelant la présomption d’innocence.

Pourtant, Naruto n’a pas totalement gardé le silence. Sur Instagram, il a publié un message d’hommage adressé à son ami disparu : « Mon frère, mon acolyte, mon partenaire. Six années côte à côte, sans jamais nous lâcher, je t’aime mon frère et tu vas terriblement nous manquer. »

Des mots touchants, mais jugés par beaucoup en complet décalage avec les images diffusées. Pour de nombreux internautes, ce message ressemble davantage à une tentative de redorer son image qu’à un véritable témoignage de douleur.

Une vidéo glaçante refait surface

Comme si la tragédie ne suffisait pas, une séquence ancienne a refait surface ces derniers jours, amplifiant la colère générale. On y voit Naruto s’adresser à Jean Pormanove avec une brutalité verbale saisissante.

« Qu’il dise face caméra, maintenant, que si demain il meurt en plein live, c’est dû à son état de santé de merde et pas à nous », lance-t-il, sous les rires des autres. Pormanove hésite, refuse, tente de détourner la conversation. Naruto insiste : « On est en plein live, tu t’énerves, tu te mets à crier et tu fais un arrêt cardiaque ? Les gens vont s’en prendre à nous alors que c’est dû à tes 46 ans de vie minable. »

La réponse de Pormanove glace le sang : « Ce n’est pas grave, du moment qu’en live on voit que tu m’as porté secours. »

Regardée aujourd’hui, cette scène sonne comme une prémonition tragique. Elle laisse transparaître la conscience aiguë qu’avait l’homme de son état de fragilité, mais aussi son besoin désespéré de reconnaissance, quitte à accepter l’humiliation.

Une enquête qui s’annonce complexe

Le parquet a ordonné une autopsie pour établir les causes exactes du décès. Était-ce un malaise cardiaque lié à son état de santé ? Les humiliations et les pressions psychologiques ont-elles joué un rôle déterminant ? Les responsabilités des autres streamers pourraient être lourdes si un lien direct était établi entre leurs agissements et la mort de Jean Pormanove.

Au-delà de la justice, une autre question se pose : pourquoi la plateforme Kick n’a-t-elle pas réagi plus tôt ? Comment un live diffusant de telles violences a-t-il pu continuer sans intervention ?

Une onde de choc dans le monde du streaming

Ce drame dépasse largement le cas individuel. Il met en lumière les dérives d’un milieu où la recherche du buzz et des vues semble parfois primer sur la dignité humaine.

Pour certains observateurs, la mort de Pormanove rappelle brutalement que derrière les pseudos et les avatars se cachent des personnes vulnérables, avec leurs fragilités physiques et psychologiques. « On a transformé la souffrance en divertissement », déplore un internaute.

Sur Twitter, les hashtags #JusticePourJP et #StopKick ont explosé, appelant à une régulation plus stricte des contenus diffusés en direct.

Une communauté en quête de sens

À travers les hommages, sincères ou hypocrites, une chose est sûre : Jean Pormanove laisse derrière lui l’image d’un homme complexe, à la fois bourreau et victime d’un système qui l’a englouti. Certains fans le décrivent comme une personnalité généreuse, attachante malgré ses excès, d’autres rappellent ses propres débordements.

Mais une évidence s’impose : personne ne mérite de mourir ainsi, sous les caméras, dans l’indifférence de ceux qui auraient pu l’aider.

Conclusion : un tournant inévitable ?

La mort de Jean Pormanove n’est pas seulement un drame personnel ; elle pourrait bien être un électrochoc pour tout un secteur. Entre liberté de création et nécessité de protection, le débat est désormais lancé : jusqu’où peut-on aller au nom du divertissement ?

Si l’enquête devra dire si Naruto et Safine portent une responsabilité pénale, le verdict moral, lui, semble déjà rendu par l’opinion publique. L’affaire Pormanove restera sans doute longtemps dans les mémoires comme un symbole des excès d’un univers où tout se joue en direct — parfois jusqu’à la mort.