Le succès, lorsqu’il déferle avec la force d’un raz-de-marée, peut être aussi exaltant que terrifiant. Kendji Girac, l’enfant prodige de la musique gitane révélé par “The Voice” en 2014, en sait quelque chose. Propulsé au sommet à seulement 18 ans, il a enchaîné les tubes et les tournées à guichets fermés, porté par l’amour d’un public fidèle. Pourtant, derrière l’image du jeune homme solaire et sûr de lui, se cachent des failles, des doutes et une humilité qui l’honorent. Récemment, face à une proposition qui sonnait comme une consécration, le chanteur a marqué un temps d’arrêt, submergé par le sentiment de ne pas être à la hauteur. Un “challenge” qu’il a d’abord jugé “un peu prétentieux” pour son âge, et qu’il a finalement accepté grâce à une nouvelle force motrice dans sa vie : sa fille, Eva Alba.

Le fauteuil rouge : une proposition intimidante

Le défi en question n’est autre que le fameux fauteuil rouge de “The Voice Kids”. L’émission qui l’a vu naître en tant qu’artiste lui proposait de passer de l’autre côté du miroir, de devenir coach à son tour. Un honneur immense, une reconnaissance de son parcours exceptionnel. Mais pour Kendji, la proposition a d’abord eu l’effet d’une douche froide. “Quand on me l’a proposé la première fois, j’ai tout de suite dit non,” a-t-il confié sans détour. La raison de ce refus catégorique ? Un profond sentiment d’illégitimité.

“À mon âge, c’était un peu prétentieux de juger des artistes, je me sentais trop jeune”, explique-t-il. Lui, le gamin de Périgueux qui a conquis la France avec sa guitare et son sourire, se voyait mal endosser le costume du mentor, du sage qui guide les jeunes talents. Cette humilité, qui fait sa force, a bien failli lui faire refuser l’une des plus belles opportunités de sa carrière. Il voyait le fauteuil comme un trône réservé aux “grands”, à des artistes à la carrière plus longue et plus établie. Il a fallu du temps, de la persuasion de la part de la production, et surtout, un événement personnel bouleversant pour que sa perspective change radicalement.

Eva Alba, le “petit soleil” qui a tout changé

Cet événement, c’est la naissance de sa fille, Eva Alba, en janvier 2021. L’arrivée de ce “petit soleil” a transformé l’homme et l’artiste. La paternité a agi comme un révélateur, lui apportant une maturité et une confiance en lui qu’il ne soupçonnait pas. “Le fait d’être papa, ça m’a beaucoup changé. Ça m’a fait prendre conscience de plein de choses. J’ai pris de la maturité et de l’assurance,” admet-il avec une émotion palpable. Devenir père lui a donné un nouveau but, une nouvelle perspective sur ses propres capacités.

Soudain, le rôle de coach prenait un tout autre sens. Il ne s’agissait plus de “juger”, mais de “transmettre”. L’idée de partager son expérience, de protéger ces jeunes talents des pièges de la célébrité précoce, est devenue une évidence. “Je veux les aider à réaliser leur rêve comme j’ai pu réaliser le mien. Je veux être un grand frère, un guide”, affirme-t-il. La peur a laissé place à l’envie, le doute à la responsabilité. Sa fille lui a donné la légitimité qu’il ne s’accordait pas à lui-même. C’est en devenant le pilier de sa propre famille qu’il s’est senti capable de devenir celui des jeunes talents de “The Voice Kids”.

Du télé-crochet au grand écran : un artiste en pleine évolution

Ce nouveau rôle de coach s’inscrit dans une évolution plus large de la carrière de Kendji Girac. L’artiste ne se contente plus de la musique, il explore de nouveaux territoires, repousse ses propres limites. On l’a ainsi vu faire des premiers pas remarqués en tant qu’acteur dans le téléfilm “Champion”, diffusé sur TF1. Il y incarnait avec une justesse bouleversante le rôle de Zack, un jeune homme passionné de boxe cachant un lourd secret : son illettrisme.

Pour ce rôle, Kendji a puisé dans son histoire personnelle, dans les difficultés qu’il a pu rencontrer en quittant l’école très tôt pour suivre sa famille sur les routes. Un sujet tabou qu’il a eu le courage de porter à l’écran, pour “libérer la parole” et aider ceux qui souffrent en silence. Ce projet a montré une autre facette de l’artiste : un homme engagé, sensible, capable de se mettre à nu pour défendre une cause.

Que ce soit en acceptant de s’asseoir dans le fauteuil de coach ou en se lançant dans la comédie, Kendji Girac prouve qu’il n’est plus seulement le jeune phénomène gipsy-pop. Il est un artiste complet, un homme qui a mûri et qui utilise sa notoriété pour porter des messages forts et inspirer les nouvelles générations. Sa décision d’accepter enfin ce “challenge” dans “The Voice Kids” n’est pas une prise de pouvoir, mais un acte de générosité. Un passage de flambeau, nourri par la paternité, qui boucle la boucle de la plus belle des manières. Le jeune talent est devenu un guide, prêt à tendre la main à ceux qui, comme lui il y a quelques années, n’attendent qu’une chose : qu’on leur donne leur chance.