Dans le paysage littéraire francophone, Cédric Sapin-Defour s’est imposé comme une voix singulière, capable de sonder les profondeurs de l’âme humaine et de notre lien au monde sauvage. Avec des œuvres acclamées comme « Son odeur après la pluie », il a touché des centaines de milliers de lecteurs en explorant l’amour inconditionnel pour son chien Ubac. Mais derrière l’écrivain se cache un homme dont les choix de vie, tout aussi puissants que ses écrits, interrogent et fascinent. En couple avec sa femme Mathilde, il a fait un choix que beaucoup considèrent encore comme un tabou : celui de ne pas avoir d’enfants. Une décision assumée au nom d’une liberté précieuse, mais qui résonne avec une intensité particulière à la lumière du drame qui a récemment bouleversé leur existence.

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Leur histoire n’est pas celle d’une impossibilité ou d’un regret, mais d’une affirmation. Cédric Sapin-Defour l’exprime sans détour : « Ça allait empiéter sur notre temps libre ». Ces mots, qui peuvent paraître abrupts pour certains, sont en réalité le reflet d’une philosophie de vie mûrement réfléchie. Pour le couple, le bonheur ne passait pas par la parentalité, mais par la richesse de leur relation, la poursuite de leurs passions communes comme l’alpinisme et le parapente, et la préservation de cet espace vital où l’on peut se retrouver soi-même, sans les contraintes et les responsabilités qu’implique l’éducation d’un enfant.

Ce « temps libre » n’est pas un vide à combler, mais un terrain d’épanouissement. C’est le temps des aventures en montagne, des longues heures de lecture et d’écriture, des voyages improvisés et, surtout, le temps d’un dialogue constant et d’une complicité sans faille entre deux êtres qui se sont choisis. Dans une société où le modèle familial traditionnel reste une norme puissante, leur décision est un acte de courage, une manière de dire que d’autres chemins vers le bonheur sont possibles. Ils incarnent cette génération qui ose questionner les injonctions sociales et construire une vie sur mesure, alignée avec leurs désirs profonds plutôt qu’avec les attentes extérieures.

Pourtant, la vie, dans son imprévisibilité, est venue percuter de plein fouet cette liberté si chèrement défendue. Un jour d’août 2022, lors d’un vol en parapente, l’impensable se produit. Mathilde est victime d’un terrible accident. Une rafale de vent, un phénomène aussi soudain que violent, la fait chuter. Le choc est d’une brutalité inouïe. Polytraumatisée, entre la vie et la mort, son pronostic vital est engagé. Pour Cédric Sapin-Defour, le monde bascule. L’homme qui chérit la liberté se retrouve enchaîné à l’angoisse, au chevet de celle qu’il aime, dans les couloirs aseptisés d’un hôpital.

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Les premiers diagnostics des médecins sont terrifiants. Si elle survit, elle pourrait rester « très lourdement handicapée ». La culpabilité ronge l’écrivain : « Mathilde n’avait pas envie d’y aller ce jour-là », confie-t-il. Cette phrase simple résonne comme un écho douloureux à leur quête de liberté. Cette passion qui les unissait a failli les séparer à jamais. Les mois qui suivent sont une épreuve physique et psychologique immense. Mathilde, prisonnière de son corps, prend conscience de sa perte d’autonomie. « Un jour, elle regarde ses jambes et elle me dit : “C’est fini” », raconte son mari. Face à cette détresse, Cédric Sapin-Defour est assailli par les doutes les plus sombres, se demandant s’il n’aurait pas dû « la laisser s’éteindre tranquillement là-haut, dans les rochers ».

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C’est dans cette obscurité que leur choix de ne pas avoir d’enfants prend une nouvelle dimension. Dépourvus de la distraction ou de l’obligation de s’occuper d’une progéniture, ils ont pu concentrer toute leur énergie, toute leur force, l’un sur l’autre. Cédric est devenu le pilier indéfectible de Mathilde, son ancre dans la tempête. Leur amour, déjà fusionnel, s’est transformé en un pacte de survie. Chaque petit progrès, chaque lueur d’espoir est une victoire remportée à deux. Leur « temps libre » d’avant, celui des cimes et des grands espaces, s’est mué en un temps de soin, de rééducation, de reconstruction.

De cette épreuve quasi mortelle, Cédric Sapin-Defour a puisé l’inspiration pour son nouveau roman, « Où les étoiles tombent ». L’écriture, comme souvent, devient un exutoire, une façon de mettre des mots sur l’horreur, de donner un sens au chaos. Pour Mathilde, lire le récit de son propre drame à travers les yeux de son mari a été une étape cruciale de sa guérison. « Finalement, je vaux quelque chose », a-t-elle dit après sa lecture, des mots qui, pour Cédric, sont d’une valeur inestimable.

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Aujourd’hui, le couple continue de se reconstruire. Le chemin est long, mais leur lien est plus fort que jamais. Leur décision initiale de ne pas avoir d’enfants, loin d’être un choix égoïste, se révèle rétrospectivement comme une force insoupçonnée. Elle leur a permis de traverser l’épreuve la plus difficile de leur vie avec une dévotion totale l’un envers l’autre. Leur histoire nous rappelle que la famille ne se définit pas uniquement par les liens du sang, mais par la solidité de l’amour et du soutien mutuel face à l’adversité.

Le témoignage de Cédric Sapin-Defour et Mathilde est un message puissant. Il nous invite à respecter les choix de vie de chacun, à comprendre que le désir de liberté n’est pas antinomique avec l’engagement et l’amour profond. Il démontre que la véritable richesse d’une vie ne se mesure pas au nombre de ses descendants, mais à l’intensité des liens que l’on tisse et à la capacité de faire face, ensemble, aux étoiles qui tombent. Leur parcours, marqué par la passion, le choix et le drame, est un hymne à la résilience et à la liberté d’aimer, à sa propre manière.