Ancien complice des Nuls, Dominique Farrugia vit avec la sclérose en plaques depuis plus de trois décennies. Celui qui ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant pense avoir identifié l’événement qui a marqué le début de son combat : un choc personnel d’une rare violence, qui a bouleversé sa vie pour toujours.

La scène s’est déroulée il y a un peu moins d’un an à l’aéroport d’Orly. Le 24 octobre 2024, un homme en fauteuil roulant est soudain pris à partie par une agente au sol de la compagnie aérienne Transavia. Elle aurait lâché à son propos cette interrogation pleine de mépris : “C’est quoi ça ?” L’homme aurait alors tenté de répondre avant d’être coupé, sèchement : “Je ne vous parle pas à vous.”

Cet homme aurait pu être un porteur de handicap anonyme : en France, 2 à 3 % de la population vit en fauteuil, soit quelque 600 000 personnes. Il s’avère que ce passager particulier s’appelait Dominique Farrugia, ancien complice d’Alain Chabat, Chantal Lauby et Bruno Carette, qui avait fondé avec eux l’inoubliable quatuor humoristique les Nuls.

Choqué par un tel comportement, le comique avait décidé de raconter sa mésaventure sur X, dans un post qu’il avait débuté avec ces mots : “Vis ma vie de PMR [personne à mobilité réduite].” Son message avait provoqué une onde de choc et contraint Transavia à présenter ses excuses. Mais il avait aussi mis en lumière le quotidien d’un homme que la vie a contraint à réapprendre à avancer… et qu’une maladie a transformé.
Comme 130 000 personnes en France, Dominique Farrugia est atteint de sclérose en plaques
Depuis plus de 30 ans, Dominique Farrugia vit avec une sclérose en plaques (SEP). Cette maladie auto-immune touche environ 130 000 personnes en France et figure parmi les premières causes de handicap non traumatique chez l’adulte jeune, puisqu’elle apparaît le plus souvent entre 25 et 35 ans.

La sclérose en plaques est une maladie qui détruit progressivement la gaine protectrice autour des fibres nerveuses du système nerveux central, perturbant la transmission des messages du cerveau vers le corps. En résultent une fatigue extrême, des troubles de l’équilibre, des douleurs, des pertes de sensibilité, ainsi que des difficultés de mobilité ou visuelles.

Pour Dominique Farrugia, comme pour beaucoup, accepter le fauteuil a été un tournant, notamment en famille au quotidien. Mais de ce handicap, de cette pathologie qui le frappe, l’humoriste a fait une force. Sa devise, qu’il assène dans son livre Elle ne m’a jamais quitté : “Il y a deux façons de traiter ta maladie : comme une amie ou comme une ennemie. Comme une amie, tu restes au lit et tu te plains. Comme une ennemie, tu te lèves et tu vas travailler. J’ai choisi la deuxième option. Mon seul médicament valable, c’est le travail.”


Le stress a-t-il provoqué la maladie de Dominique Farrugia ?
Comment Dominique Farrugia est-il tombé malade ? En l’état actuel, la science ne connaît pas de cause unique à la sclérose en plaques. Les chercheurs parlent plutôt d’un enchevêtrement de facteurs. Une prédisposition génétique, d’abord, qui rend certaines personnes plus vulnérables. Des facteurs environnementaux ensuite, comme le tabac, une faible exposition au soleil ou un déficit en vitamine D. Le rôle de certaines infections est également reconnu, notamment celui du virus Epstein-Barr, à l’origine de la mononucléose et quasiment toujours présent chez les patients atteints de SEP. Quant au stress, il n’est pas considéré comme une cause directe de la maladie, mais il peut agir comme un révélateur, précipitant parfois l’apparition des premiers symptômes ou favorisant une poussée.

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Et il n’est pas impossible que, de ce point de vue, un événement très particulier ait servi de déclencheur à la maladie de Dominique Farrugia. Lui, en tout cas, en est convaincu… Mais pour le comprendre, il faut remonter aux origines de la carrière de cet artiste de génie.
Quoi de pire stress que la mort d’un proche ?“, s’interroge Dominique Farrugia
Car avant d’être un producteur à succès et un réalisateur reconnu, Dominique Farrugia fut d’abord l’un des quatre visages d’un groupe culte : les Nuls. Au milieu des années 80, il rejoint Alain Chabat, Chantal Lauby et Bruno Carette. Ensemble, ils inventent un humour absurde et corrosif qui révolutionne Canal+, avec des programmes devenus légendaires comme Objectif : Nul ou Les Nuls, l’émission. Très vite, leur complicité crève l’écran et impose un ton inédit, qui marquera toute une génération.

Mais au sommet de cette aventure, un drame vient brutalement tout interrompre. En décembre 1989, Bruno Carette tombe malade. En quelques semaines, il est emporté à seulement 33 ans par une infection fulgurante. Pour la troupe, c’est un cataclysme. Mais pour Dominique Farrugia, cette disparition fut plus tragique encore… “Quand je fais la chronologie de ma maladie, je pense que sa mort en a été le déclencheur”, affirmait-il en décembre 2021 à Ouest-France lors de la publication de son livre Elle ne m’a jamais quitté, consacré justement au mal qui le ronge. “Les scientifiques disent que la SEP (Sclérose en plaques) est quelque chose qu’on a en soi et qui peut apparaître après une grosse période de stress. Quoi de pire stress que la mort d’un proche ?”, avait-il conclu auprès de nos confrères.


Isabelle, un soutien indéfectible pour Dominique Farrugia
Grâce au seul médicament qu’il connaisse, le travail, Dominique Farrugia parvient donc à surmonter à la fois sa maladie et le handicap qu’elle occasionne, qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant. Derrière la caméra, il a ainsi signé des comédies devenues cultes comme Delphine 1 – Yvan 0L’amour, c’est mieux à deuxBis ou encore Sous le même toit. Des créations qui l’ont aidé à transformer la douleur en énergie.

Mais si Dominique Farrugia a tenu bon, c’est aussi grâce à l’amour. En l’occurrence, celui d’Isabelle, qu’il a épousée en 2005, qui lui a donné deux filles, Mia et Zoé, et pour qui il a même changé de religion. Toujours présente à ses côtés, elle est son refuge, celle dont la présence discrète mais constante a rendu supportables les jours les plus sombres.

Et puis, il y a les NulsPlus de trente ans après leurs débuts, leur complicité n’a pas pris une ride. En mai dernier, Alain Chabat confiait à Brut : “On se voit, on se parle, on discute et on ricane…” Avant de préciser à propos d’une reformation du trio : “Si, il y a plein de fois où on s’est dit ‘ce serait pas marrant de faire tel ou tel truc ?’. Il y a parfois des trucs qu’on a même écrits, on est allé assez loin et puis finalement ça ne s’est jamais fait.”

Des mots qui résonnent comme une promesse : Farrugia, Chabat et Lauby restent unis, soudés comme au premier jour. Pour le meilleur… et pour le rire.