Mort en direct de Jean Pormanove : Enquête sur un appel à l’aide ignoré et le jeu macabre derrière l’écran

 

Dans la nuit du 17 au 18 août 2025, la lumière du monde du streaming n’a pas seulement éclairé un divertissement ; elle est devenue le projecteur d’une tragédie bien réelle. Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, s’est endormi en plein direct sur la plateforme Kick pour ne plus jamais se réveiller. À 46 ans, sa mort n’a pas été silencieuse. Ce fut un cri muet, vu par des milliers de personnes, et le dernier chapitre d’une histoire criblée de zones d’ombre, d’accusations et d’un appel à l’aide désespéré qui résonne aujourd’hui de manière obsédante.

La mort de Jean n’est pas un simple accident. Elle est le point culminant d’un scénario toxique, où la frontière entre divertissement, humiliation et exploitation a été effacée jusqu’à devenir méconnaissable.

La dernière scène : quand le “jeu” devient tragédie

Pour les spectateurs réguliers, voir Jean Pormanove s’assoupir lors de ses streams marathons n’était pas inhabituel. Mais cette nuit-là, son immobilité s’est prolongée de manière anormale. Près d’une heure sans bouger. L’inquiétude a commencé à monter au sein de la communauté en ligne. Le silence numérique est devenu terriblement pesant.

La vidéo, depuis supprimée, a capturé les derniers moments chaotiques. Naruto, son ami et collaborateur, est apparu à l’écran. Il a tenté de secouer Jean, allant jusqu’à lui jeter une bouteille d’eau. En vain. Le visage paniqué de Naruto juste avant qu’il ne coupe brusquement le direct fut la dernière image offerte aux spectateurs. Quelques heures plus tard, la nouvelle officielle confirmait le pire : Raphaël Graven était décédé dans le local de Nice qui lui servait de scène.

Alors que les autorités déclaraient initialement “aucun élément suspect” et attendaient les résultats d’une autopsie pour déterminer les causes médicales, le procès avait déjà commencé sur le tribunal de l’opinion publique. Et les principaux accusés étaient ses plus proches collaborateurs.

Safine et Naruto : fraternité ou relation toxique ?

Après la mort de Jean, Safine et Naruto ont publié des hommages, le qualifiant de “frère d’antenne” et exprimant leur “peine immense”. Mais ces larmes numériques n’ont pas pu étouffer la vague d’indignation de la communauté, qui suivait Jean depuis des mois et témoignait de ce qu’elle décrivait comme une torture psychologique déguisée en humour.

Ils sont accusés d’avoir fait de Jean Pormanove, une personne décrite comme vulnérable, la cible de brimades constantes, d’humiliations et de rabaissements. Ces accusations ne sont pas sans fondement. Dès décembre 2024, le parquet de Nice avait ouvert une enquête préliminaire à leur encontre pour des motifs d’une extrême gravité :

Provocation à la haine ou à la violence à raison du handicap.
Violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables.
Diffusion d’images d’atteintes à l’intégrité de la personne.

Leur placement en garde à vue en janvier 2025 démontre que, bien avant que le cœur de Jean ne s’arrête, les autorités avaient déjà identifié des signaux d’alarme dans leur “spectacle”.

“Maman, j’ai l’impression d’être séquestré”

Si l’enquête policière était un avertissement, l’appel à l’aide de Jean Pormanove lui-même, adressé à sa propre mère, résonne aujourd’hui comme un acte d’accusation tragique. Un clip a refait surface et est devenu viral, dans lequel on voit Naruto lire à haute voix un message privé de Jean à sa mère, une exposition cruelle de son intimité :

“Salut maman. Comment tu vas ? Coincé à la mort avec son jeu. Ça va trop loin. J’ai l’impression d’être séquestré avec leur concept de merde. J’en ai marre je veux me barrer, l’autre il veut pas, il me séquestre.”

“Coincé à la mort”. “Séquestré”. Ce n’est pas le langage de quelqu’un qui participe joyeusement à un jeu. C’est le langage du désespoir, d’une personne qui se sent piégée.

Même si Jean a par la suite tenté de minimiser ces propos, affirmant les avoir écrits “sous le coup de la colère”, sa mort leur confère une signification entièrement nouvelle. Ce n’était plus une impulsion momentanée. C’était un rare moment de vérité brute, une fissure dans le mur du “consentement” qu’il affichait devant la caméra. Était-il vraiment consentant, ou était-il une victime prise au piège d’une machine à faire de l’argent sur sa propre souffrance ?

L’héritage des zones d’ombre

La mort de Jean Pormanove pose une question douloureuse au monde du divertissement en ligne. Que veut le public ? À quel point sommes-nous devenus insensibles en considérant l’humiliation d’autrui comme une forme de spectacle ? Quelle est la responsabilité des plateformes comme Kick dans la modération de contenus potentiellement dangereux, même lorsqu’ils sont étiquetés comme de la “comédie” ?

Les résultats de l’autopsie indiqueront peut-être une cause médicale – une crise cardiaque, un AVC. Mais ils ne pourront jamais mesurer le poids de la solitude, de l’épuisement et du sentiment d’être piégé que Jean décrivait dans son message à sa mère.

Jean Pormanove est mort devant des milliers de personnes, mais il est peut-être mort seul. Son message n’était pas une simple plainte. C’était un avertissement ignoré, un appel à l’aide sans réponse. Aujourd’hui, il devient le plus tragique des testaments, exposant la vérité crue derrière un écran à jamais éteint.

May be an image of 2 people, beard and eyeglassesEnquête ouverte à Nice après la mort en direct de Jean Pormanove, un "streamer" violenté depuis des mois | France Inter

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