« Il ne reste que des os ». Ces mots, d’une froideur métallique, résonnent comme le point final d’un mystère qui hante la France depuis la nuit glaciale du 15 au 16 décembre 2020. L’affaire Delphine Jubillar, cette infirmière de 33 ans disparue de son domicile de Cagnac-les-Mines, est un abîme de questions sans réponses, un dossier miné par l’absence de corps et les dénégations obstinées d’un homme : son mari, Cédric. Mais aujourd’hui, un séisme judiciaire vient de pulvériser la ligne de défense de l’artisan plaquiste. Le silence a été brisé. Une femme, son ex-compagne, a parlé, livrant aux enquêteurs le récit macabre de ce qui pourrait être des aveux complets, faits dans l’intimité feutrée d’un parloir de prison.
Cédric Jubillar aurait confié « à plusieurs reprises » avoir étranglé son  épouse, selon son ancienne compagne

Depuis son incarcération en juin 2021, Cédric Jubillar, principal suspect du meurtre de sa femme, s’est muré dans une posture de déni. Innocent, il le clame. Victime d’un acharnement, il le répète. Mais derrière les murs du centre pénitentiaire, loin des micros et des magistrats, l’homme aurait fendu l’armure. La source de ces révélations est une femme avec qui il a entretenu une relation après son incarcération. Une confidente inattendue, devenue aujourd’hui le témoin clé qui pourrait sceller son destin.

Longtemps silencieuse, tiraillée entre la peur et le poids d’un secret trop lourd, elle a finalement été entendue cet été par les enquêteurs de la section de recherche de Toulouse. Et ce qu’elle raconte n’est pas une simple confidence, c’est une confession détaillée, une plongée dans l’horreur de cette nuit tragique.

Selon son témoignage, rapporté par BFM TV, Cédric Jubillar n’aurait pas seulement admis l’acte ; il l’aurait décrit avec une précision clinique, presque orgueilleuse. L’impensable aurait eu lieu sur le canapé du salon, dans ce foyer où l’amour s’était mué en haine. « Il m’a parlé de la couette et de la housse de couette », a-t-elle déclaré aux enquêteurs. Puis, la phrase qui glace le sang, le détail macabre que seul l’auteur pourrait connaître : « Lorsqu’il l’a étranglé, elle s’est urinée dessus ».

Cette simple phrase est un tournant. Elle évoque une scène d’une violence inouïe, la réaction physiologique ultime d’une victime, un détail qui ancre le récit dans une réalité sordide, bien loin des hypothèses de disparition volontaire. Cédric se serait confié à elle, sans filtre, dans un moment de relâchement, peut-être pour la contrôler, peut-être par besoin de se raconter, ou peut-être parce qu’il la croyait acquise à sa cause, incapable de le trahir.

Mais pourquoi ? Pourquoi cette explosion de violence ? Le témoignage de l’ex-compagne éclaire aussi crûment le mobile. La rupture. L’humiliation. La perte de contrôle. Delphine était en instance de divorce, elle avait un nouvel amour et voulait refaire sa vie. Pour Cédric, cette décision était insupportable. Il se serait senti “balancé comme un vulgaire déchet”. Il aurait ruminé sa colère, son ressentiment face à celle qui “croyait qu’elle pouvait tout recommencer sans moi”.

L’obsession de la possession transpire dans les mots qu’il aurait utilisés. La peur de perdre la maison, de devoir “mandier” pour voir ses enfants, de ne plus être le centre de l’univers de Delphine. Cette jalousie maladive, cette “rage sourde” aurait culminé dans une phrase terrible, qu’il lui aurait confiée, résumant la logique d’un féminicide : « Un jour elle m’a tout pris, je lui ai repris ce qu’elle avait de plus précieux ».

Si le meurtre semble avoir été brutal, l’après-meurtre, tel que Cédric l’aurait raconté, relève d’une froideur méthodique. Loin de la panique d’un homme ayant commis l’irréparable, il aurait basculé dans une logique d’effacement des preuves. Il aurait admis avoir brûlé les vêtements, les siens et ceux de Delphine, notamment cette fameuse doudoune blanche qu’elle portait le soir de sa disparition.

Plus troublant encore, il aurait détaillé son départ de la maison pour se débarrasser du corps. Il aurait “roulé au point mort sans allumer les phares” jusqu’à la sortie du quartier. Un détail technique, sordide, visant à éviter toute détection par les caméras ou les voisins. C’est le geste d’un individu calculateur, pas d’un homme en panique.

Et puis, il y a la question qui hante l’enquête depuis le premier jour : où est Delphine ? Là encore, Cédric Jubillar aurait livré une piste. Il n’aurait pas choisi un lieu au hasard. Il aurait évoqué un “jardin secret”, un “lieu étrange, loufo” qu’il aurait repéré un mois avant les faits lors d’un trajet professionnel. Un endroit connu de lui seul, où il aurait déposé le corps sans vie de sa femme.

C’est ici qu’interviennent les mots qui donnent son titre à ce drame : « Il ne reste que les os ». Une affirmation terrible, prononcée avec la certitude que “rien ne pourra le relier au meurtre”. Il se croyait à l’abri, protégé par le temps et le silence de la terre. L’absence de corps était sa meilleure défense, il en aurait fait une certitude.

Ce témoignage est une bombe à quelques mois du procès, prévu en septembre. Il vient percuter de plein fouet la défense de Cédric Jubillar. Ses avocats s’efforceront sans doute de décrédibiliser cette témoin, la dépeignant comme instable, manipulatrice ou en quête de vengeance. C’est une stratégie de défense classique.

Cependant, la force de ce récit réside dans les détails. Comment cette femme pouvait-elle connaître l’existence de la housse de couette, le trajet en point mort, ou l’expression “jardin secret”, des éléments qui, selon les sources, n’avaient jamais été rendus publics ? La justice devra trancher.

Le procès de Cédric Jubillar sera celui d’un meurtre sans corps, un exercice judiciaire complexe mais pas impossible. Le droit français permet une condamnation basée sur un “faisceau d’indices graves et concordants”. Et ce faisceau, déjà dense (les incohérences de Cédric, son attitude désinvolte, le contexte de séparation haineuse), vient de s’enrichir d’une pièce maîtresse : le récit d’une confession.

Au-delà de l’aspect judiciaire, cette affaire est devenue le symbole tragique des violences conjugales, de ces drames qui se nouent à huis clos, dans le silence des foyers. Delphine Jubillar est devenue le visage de ces femmes victimes d’un conjoint qui ne supporte pas la libération, qui préfère la destruction à la séparation.

Pour la famille de Delphine, pour sa mère, ses amis, ses enfants, ce témoignage est à la fois une nouvelle souffrance et un immense espoir. La souffrance d’entendre l’horreur probable de ses derniers instants. L’espoir que la justice puisse enfin être rendue. L’espoir, peut-être infime, que ce “jardin secret” soit enfin localisé. Car tant que le corps n’est pas retrouvé, le deuil est impossible.

Cédric Jubillar croyait que le silence le protégerait. Il pensait que l’absence de preuves matérielles lui garantirait l’impunité. Mais il a parlé. Il s’est confié à la seule personne qui pouvait, et a finalement osé, briser ce pacte. Le silence dans lequel il se mure aujourd’hui face à ces nouvelles accusations résonne, plus fort que jamais, comme un aveu.