Affaire Depardieu : La chute du Titan – L’acteur renvoyé en procès pour viols

Le couperet est tombé. Dans le silence feutré d’un cabinet d’instruction parisien, une décision d’une portée sismique a été signée, scellant un peu plus le destin judiciaire de celui que l’on surnommait le “monstre sacré” du cinéma français. Gérard Depardieu, l’ogre, le titan, l’acteur aux plus de 200 films, sera jugé par la cour criminelle départementale pour deux accusations de viols. L’ordonnance de mise en accusation, rendue par la juge d’instruction, clôt des années d’une enquête tentaculaire et ouvre la voie à un procès qui s’annonce comme l’un des plus retentissants de l’ère #MeToo en France. Pour l’icône de 76 ans, le crépuscule de sa carrière pourrait bien se jouer, non plus sur un plateau de cinéma, mais dans le prétoire d’un tribunal.

Au cœur de l’affaire, le témoignage glaçant de Charlotte Arnould

Si de nombreuses femmes ont témoigné contre Gérard Depardieu, une plainte a servi de catalyseur à la machine judiciaire : celle de la comédienne Charlotte Arnould. Les faits qu’elle dénonce remontent à août 2018. La jeune femme, alors âgée de 22 ans, se rend par deux fois au domicile parisien de l’acteur, un hôtel particulier du VIe arrondissement. Ami de son père, Depardieu est une figure qu’elle connaît et admire. Elle espère des conseils pour sa carrière naissante.

Selon son récit détaillé et constant, ces rencontres basculent dans l’horreur. Elle décrit des scènes d’une violence inouïe, des agressions sexuelles et deux viols. Pour elle, commence alors une longue et douloureuse bataille pour la reconnaissance de son statut de victime. Après un premier classement sans suite de sa plainte, elle obtient la réouverture de l’enquête en se constituant partie civile, ce qui mène à la mise en examen de l’acteur en décembre 2020. Aujourd’hui, la décision de la juge d’instruction valide la solidité de son dossier, estimant qu’il existe des “indices graves ou concordants” justifiant un procès. “Sept ans après, sept ans d’horreur et d’enfer (…). L’ordonnance vient rétablir une forme de vérité judiciaire”, a réagi la comédienne sur les réseaux sociaux, exprimant son immense soulagement. Le renvoi concerne également les accusations d’une seconde femme, qui dénonce des faits similaires.

La défense de Depardieu : entre déni et théorie du complot

Face à ces accusations, Gérard Depardieu et sa défense ont toujours maintenu la même ligne : celle de l’innocence totale. L’acteur a constamment nié les faits, évoquant des relations consenties avec Charlotte Arnould. Dans une lettre ouverte publiée dans Le Figaro en octobre 2023, il affirmait n’avoir “jamais au grand jamais abusé d’une femme”. Ses avocats, Mes Christian Saint-Palais et Julie de Kervasdoué, dénoncent un “tribunal médiatique” et une instruction menée exclusivement “à charge”. Ils devraient, selon toute vraisemblance, faire appel de cette ordonnance de mise en accusation, tentant ainsi de repousser l’échéance d’un procès public qu’ils redoutent. Pour le clan Depardieu, l’affaire est une cabale, une machination visant à détruire l’un des derniers symboles d’une France virile et décomplexée.

Une onde de choc dans un océan d’accusations

Cette décision judiciaire, bien que concentrée sur deux cas précis, résonne avec une force particulière car elle s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large. Depuis la plainte de Charlotte Arnould, les témoignages se sont multipliés. Au total, une vingtaine de femmes – comédiennes, techniciennes, journalistes – ont accusé publiquement l’acteur de violences sexuelles, d’agressions ou de harcèlement, principalement sur des plateaux de tournage.

Des noms ont émergé : l’actrice Hélène Darras (dont la plainte a été classée pour prescription), la journaliste espagnole Ruth Baza, ou encore les témoignages posthumes de l’actrice Emmanuelle Debever. Le reportage choc de “Complément d’enquête” en décembre 2023, montrant un Depardieu aux propos obscènes et dégradants envers les femmes, y compris une fillette, lors d’un voyage en Corée du Nord, a achevé de briser l’image de l’artiste.

Cette affaire est devenue le symbole de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu du cinéma français, longtemps accusé d’une complaisance coupable envers ses “génies” masculins. Elle a mis en lumière une omerta puissante et la difficulté pour les victimes de se faire entendre face à une personnalité aussi écrasante.

Vers un procès pour l’Histoire

La route vers le procès est encore longue, mais le renvoi de Gérard Depardieu devant la cour criminelle constitue une étape décisive. Ce n’est plus seulement la parole d’une femme contre celle d’un homme, mais une décision de justice qui estime que les charges sont suffisamment sérieuses pour être débattues publiquement. Ce procès, s’il a lieu, ne sera pas seulement celui d’un homme, mais celui de toute une époque et d’un système.

Il interrogera la responsabilité du monde du cinéma, la culture de l’impunité et la fameuse dissociation entre l’homme et l’artiste. Quelle que soit son issue, la statue de Gérard Depardieu est déjà irréversiblement déboulonnée. Le “monstre sacré” est désormais un homme seul, rattrapé par les accusations et faisant face à la perspective d’une condamnation infamante qui marquerait la fin tragique et sordide d’une carrière sans précédent. La France retient son souffle en attendant le dernier acte.